À PROPOS DU PATER

À PROPOS DU PATER – Simone Weil

La liturgie nous invite à méditer sur le Notre Père. C’est l’occasion de lire ce qu’en a écrit Simone Weil, cette jeune philosophe courageuse, si proche de l’Évangile de Jésus, morte à Ashford (GB) à 34 ans en 1943.

Simone Weil
Simone Weil

« Notre Père celui qui est dans les cieux. »

C’est notre Père ; il n’y a rien de réel en nous qui ne procède de lui. Nous sommes à lui. Il nous aime, puisqu’il s’aime et que nous sommes à lui.

Mais c’est le Père qui est dans les cieux. Non ailleurs. Si nous croyons avoir un Père ici-bas, ce n’est pas lui, c’est un faux Dieu. Nous ne pouvons pas faire un seul pas vers lui. On ne marche pas verticalement. Nous ne pouvons diriger vers lui que notre regard. Il n’y a pas à le chercher, il faut seulement changer la direction du regard. C’est à lui de nous chercher.

Il faut être heureux de savoir qu’il est infiniment hors de notre atteinte. Nous avons ainsi la certitude que le mal en nous, même s’il submerge tout notre être, ne souille aucunement la pureté, la félicité, la perfection divines.

« Soit sanctifié ton nom. »

Dieu seul a le pouvoir de se nommer lui-même. Son nom n’est pas prononçable pour des lèvres humaines. Son nom est sa parole. C’est le Verbe. Le nom d’un être quelconque est un intermédiaire entre l’esprit humain et cet être, la seule voie par laquelle l’esprit humain puisse saisir quelque chose de cet être quand il est absent. Dieu est absent ; il est dans les cieux.

Son nom est la seule possibilité pour l’homme d’avoir accès à lui. C’est le Médiateur. L’homme a accès à ce nom, quoiqu’il soit aussi transcendant. Il brille dans la beauté et l’ordre du monde et dans la lumière intérieure de l’âme humaine. Ce nom est la sainteté elle-même ; il n’y a pas de sainteté hors de lui ; il n’a donc pas à être sanctifié.

En demandant cette sanctification, nous demandons ce qui est éternellement avec une plénitude de réalité à laquelle il n’est pas en notre pouvoir d’ajouter ou de retrancher même un infiniment petit. Demander ce qui est, ce qui est réellement, infailliblement, éternellement, d’une manière tout à fait indépendante de notre demande, c’est la demande parfaite.

Nous ne pouvons pas nous empêcher de désirer ; nous sommes désir ; mais ce désir qui nous cloue à 1’imaginaire, au temps, à l’égoïsme, nous pouvons, si nous le faisons passer tout entier dans cette demande, en faire un levier qui nous arrache de l’imaginaire dans le réel, du temps dans l’éternité, et hors de la prison du moi.

« Vienne ton règne. »

Il s’agit maintenant de quelque chose qui doit venir, qui n’est pas là. Le règne de Dieu, c’est le Saint-Esprit emplissant complètement toute l’âme des créatures intelligentes. L’Esprit souffle où il veut. On ne peut que l’appeler. Il ne faut même pas penser d’une manière particulière à l’appeler sur soi, ou sur tels ou tels autres, ou même sur tous, mais l’appeler purement et simplement ; que penser à lui soit un appel et un cri.

Comme quand on est à la limite de la soif, qu’on est malade de soif, on ne se représente plus l’acte de boire par rapport à soi-même, ni même en général l’acte de boire. On se représente seulement l’eau, l’eau prise en elle-même, mais cette image de l’eau est comme un cri de tout l’être.

  « Soit accomplie ta volonté. »

Nous ne sommes absolument, infailliblement certains de la volonté de Dieu que pour le passé. Tous les événements qui se sont produits, quels qu’ils soient, sont conformes à la volonté du Père tout-puissant. Cela est impliqué par la notion de toute-puissance. L’avenir aussi, quel qu’il doive être, une fois accompli, se sera accompli conformément à la volonté de Dieu.

Nous ne pouvons rien ajouter ni soustraire à cette conformité. Ainsi, après un élan de désir vers le possible, de nouveau, dans cette phrase nous demandons ce qui est. Mais non plus une réalité éternelle comme est la sainteté du Verbe. Ici l’objet de notre demande est ce qui se produit dans le temps. Mais nous demandons la conformité infaillible et éternelle de ce qui se produit dans le temps avec la volonté divine.

Après avoir, par la première demande, arraché le désir au temps pour l’appliquer sur l’éternel, et l’avoir ainsi transformé, nous reprenons ce désir devenu lui-même d’une certaine manière éternel pour l’appliquer de nouveau au temps. Alors notre désir perce le temps pour trouver derrière l’éternité. C’est ce qui arrive quand nous savons faire de tout événement accompli, quel qu’il soit, un objet de désir.

C’est là tout autre chose que la résignation. Le mot d’acceptation même est trop faible. Il faut désirer que tout ce qui s’est produit se soit produit, et rien d’autre. Non pas parce que ce qui s’est produit est bien à nos yeux ; mais parce que Dieu l’a permis, et que l’obéissance du cours des événements à Dieu est par elle-même un bien absolu.

 « Pareillement au ciel et sur terre. »

Cette association de notre désir à la volonté toute-puissante de Dieu doit s’étendre aux choses spirituelles. Nos ascensions et nos défaillances spirituelles et celles des êtres que nous aimons ont un rapport avec l’autre monde, mais sont aussi des événements qui se produisent ici-bas dans le temps.

À ce titre ce sont des détails dans l’immense mer des événements, ballottés avec toute cette mer d’une manière conforme à la volonté de Dieu. Puisque nos défaillances passées se sont produites, nous devons désirer qu’elles se soient produites. Nous devons étendre ce désir à l’avenir pour le jour où il sera devenu du passé.

C’est une correction nécessaire à la demande que le règne de Dieu arrive. Nous devons abandonner tous les désirs pour celui de la vie éternelle, mais nous devons désirer la vie éternelle elle-même avec renoncement. Il ne faut pas s’attacher même au détachement.

L’attachement au salut est encore plus dangereux que les autres, Il faut penser à la vie éternelle comme on pense à l’eau quand on meurt de soif, et en même temps désirer pour soi et pour les êtres chers la privation éternelle de cette eau plutôt que d’en être comblé malgré la volonté de Dieu, si pareille chose était concevable.

Les trois demandes précédentes ont rapport aux trois Personnes de la Trinité, le Fils, l’Esprit et le Père, et aussi aux trois parties du temps, le présent, l’avenir et le passé. Les trois demandes qui suivent portent sur les trois parties du temps plus directement et dans un autre ordre, présent, passé, avenir.

– Nous les méditerons demain

Texte présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse

La Chaire de saint Pierre, évêque de Rome

La Chaire de saint Pierre, évêque de Rome

Rappel de la Chaire de saint Pierre, Apôtre, à qui le Seigneur a dit: « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Église. » ‘(Fête non célébrée cette année du fait du Mercredi des Cendres)

 » Au jour où les Romains avaient coutume de faire mémoire de leurs défunts, l’Église célèbre la naissance du siège de cet Apôtre, qui est glorifié par son monument au Vatican et qui est appelé à présider à la charité dans l’ensemble des Églises. (Martyrologe romain)

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La chaire de saint Pierre, dans son reliquaire construit par le Bernin en la basilique Saint-Pierre de Rome
La chaire de saint Pierre, dans son reliquaire construit par le Bernin en la basilique Saint-Pierre de Rome

La fête de la Chaire de Saint Pierre est très ancienne. Elle est marquée en ce jour du 22 février dans le calendrier qui fut dressé sous le pape Libère en 354.

Dans la primitive Église, les chrétiens, et surtout ceux d’Orient, célébraient l’anniversaire de leur baptême ; ils renouvelaient en ce jour les vœux qu’ils avaient faits à Dieu et le remerciaient de ce que, par un effet de sa miséricorde, il les avait reçus au nombre de ses enfants : c’est ce qu’ils appelaient le jour de leur naissance spirituelle.

Les évêques, conformément à cette pratique, célébraient aussi l’anniversaire de leur ordination. Le peuple continua souvent, après la mort des évêques, de fêter le jour de leur ordination. Telle fut l’origine de la fête de la Chaire de saint Pierre.

« Nous devons la célébrer, disait saint Léon, avec autant de joie que nous ferions pour celle du martyre du prince des apôtres (le 29 juin) ; par là, nous nous rappelons tout à la fois, et son entrée glorieuse dans le ciel, et son élévation à la dignité de premier pasteur de l’église militante. »

Notre devoir en ce jour est de remercier Dieu de l’établissement de son Église, et de lui en demander l’exaltation par des prières ferventes. L’Église est ce royaume spirituel que Jésus-Christ est venu fonder sur la terre, et qu’il ne cesse de gouverner du haut des cieux en la personne de ceux qu’il en a établis les chefs visibles.

Or, si nous aimons véritablement Jésus-Christ, si nous désirons qu’il soit de plus en plus glorifié, si nous nous intéressons vivement au salut de nos frères, pourrons-nous  ne pas demander leur conversion avec toute l’ardeur dont nous sommes capables ?

Mais notre piété doit encore aller plus loin. Combien dans l’Église de membres morts, qui, destitués de la divine charité, ne tiennent plus au corps mystique de Jésus-Christ que par les liens d’une foi stérile, et qui ne servira de rien sans les œuvres ?

Prions le Seigneur Jésus de les ressusciter à la grâce, et d’établir invariablement dans tous les cœurs le règne de son saint amour. Supplions-le de faire par sa miséricorde, que le péché ne nous sépare jamais de lui, et que nous nous fortifiions de plus en plus dans cette charité qui donne la vie à toutes les autres vertus.

Adapté d’un texte anglais d’Alban Butler (1711-1773)

Texte présenté par l’Association de la Médaille Miraculeuse

Le bienheureux Noël Pinot, prêtre et martyr de 1794

Le bienheureux Noël Pinot, prêtre et martyr de 1794

Bx Noël Pinot
Bx Noël Pinot

À l’ouest de l’Anjou, la paroisse du Louroux-Béconnais honore le bienheureux Noël Pinot, pour le 230e anniversaire de son martyre sous la Révolution. Ce curé du lieu est honoré d’un véritable culte local.

Il est allé à l’échafaud en habits liturgiques et a gravi les marches le menant à la guillotine comme à l’autel pour la célébration eucharistique  ! Sa foi frappa les esprits ce 21 février 1794, sur la place du Ralliement, à Angers.

Il avait exprimé les premières paroles de la messe  : « Introibo ad altare Dei » c’est-à-dire « je m’approcherai de l’autel de Dieu » et avant de mourir : « Mon Dieu qui avez donné votre vie pour moi, qu’avec plaisir je donne la mienne pour vous. » Noël Pinot s’est identifié au Christ jusqu’au bout : comme le Christ il mourut le vendredi, à 15 heures, à 47 ans.

Prêtre réfractaire

Son oblation avait commencé quelques jours plus tôt, le 8 février, lorsqu’il fut arrêté à minuit, dans une grange du hameau de la Milandrie, à quelques kilomètres de sa paroisse du Louroux-Béconnais. Un ancien protégé l’ayant dénoncé, les républicains trouvèrent ce curé réfractaire caché dans un coffre en bois. Muni de ses habits liturgiques, il était venu célébrer clandestinement la messe.

Comme le Christ, le Vendredi saint, il subit alors coups, injures et crachats. Les révolutionnaires profanent les hosties consacrées qu’il porte sur lui. Comme son Maître, il vivra son jugement sous les outrages, le président du tribunal révolutionnaire d’Angers, prêtre défroqué, souhaitant qu’il aille au supplice avec ses habits sacerdotaux. Comme son Seigneur, il aura son chemin de Croix pour le conduire à l’échafaud dans la rue la plus anticléricale de la ville, dans une parodie de procession.

Les habitants de la Milandrie salueront Noël Pinot lors de son arrestation. En chemin, il remettra son chapelet à une petite fille en lui disant de se souvenir de lui. Avant sa vie clandestine de prêtre réfractaire qui dura trois ans, il avait obtenu à 41 ans un diplôme de « maître ès arts » à l’université d’Angers, ce qui lui permettait d’avoir la charge d’une paroisse.

Il voulut, dans son presbytère du Louroux-Béconnais, être le plus pauvre des pauvres aux côtés des démunis. Mais les révolutionnaires exigeaient qu’il prêtât serment sur la Constitution civile du clergé. Noël Pinot écouta alors sa conscience et monta courageusement en chaire, après la messe, le 21 février 1791, pour expliquer pourquoi l’Église en cela n’avait pas à se soumettre à l’État et faire de lui un fonctionnaire. Il a pratiqué le don de soi jusqu’au bout.

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