Pour la vie éternelle, seules comptent charité et fraternité

Pour la vie éternelle, seules comptent charité et fraternité

Avant la prière de l’angélus du dimanche 17 septembre, place Saint-Pierre de Rome, le Pape François a rappelé qu’en vue de la vie éternelle, il ne s’agit pas d’accumuler les biens de ce monde, mais plutôt de pratiquer la charité dans nos relations fraternelles.

Dans la parabole de l’Évangile du jour (Lc 16, 1-13), Jésus raconte une histoire de corruption : un intendant malhonnête vole puis, découvert par son maître, agit avec ruse pour se sortir de cette situation. «Demandons-nous en quoi consiste cette ruse et que veut nous dire Jésus.»

LE PAPE FRANÇOIS

ANGÉLUS

Place Saint-Pierre
dimanche 18 septembre 2022

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Chers frères et sœurs, bonjour!

La parabole que nous présente l’Évangile de la Liturgie d’aujourd’hui (cf. Lc 16, 1-13) nous paraît un peu difficile à comprendre. Jésus raconte une histoire de corruption : un administrateur malhonnête, qui vole puis, découvert par son maître, agit avec ruse pour se sortir de cette situation. Nous nous demandons : en quoi consiste cette ruse – est-ce un corrompu qui l’utilise – et que veut nous dire Jésus ?

Mondanité et obscurité

D’après l’histoire, nous voyons que cet intendant corrompu a des ennuis parce qu’il a profité des biens de son maître ; maintenant, il devra rendre des comptes et il perdra son emploi. Mais il ne baisse pas les bras, ne se résigne pas à son sort et ne joue pas à la victime ; au contraire, il agit immédiatement avec ruse, cherche une solution, est ingénieux.

Jésus s’inspire de cette histoire pour lancer une première provocation : « Les enfants de ce monde – dit-il – sont plus rusés envers leurs semblables que les enfants de la lumière » (v. 8).

C’est-à-dire qu’il arrive que celui qui se déplace dans les ténèbres, selon certains critères mondains, sache se débrouiller même au milieu des ennuis, il sache être plus intelligent que les autres ; au contraire, les disciples de Jésus, c’est-à-dire nous, sommes parfois endormis, ou nous sommes naïfs, nous ne savons pas prendre l’initiative de chercher des issues aux difficultés (cf. Evangelii gaudium, 24).

Par exemple, je pense à des moments de crise personnelle, sociale, mais aussi ecclésiale : parfois on se laisse gagner par le découragement, ou on tombe dans la plainte et la victimisation. Au lieu de cela – dit Jésus – on pourrait aussi être rusé selon l’Évangile, être éveillé et attentif pour discerner la réalité, être créatif pour chercher de bonnes solutions, pour nous et pour les autres.

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Pour hériter de la vie éternelle, seul le critère de la charité

Mais il y a aussi un autre enseignement que Jésus nous offre. Au fait, en quoi consiste la ruse de l’administrateur ? Il décide d’accorder un rabais à ceux qui sont endettés, et il se lie donc d’amitié avec eux, espérant qu’ils pourront l’aider lorsque le maître le mettra à la porte. Il avait l’habitude d’accumuler des richesses pour lui-même, maintenant il les utilise pour se faire des amis qui peuvent l’aider à l’avenir.

Sur le même chemin, voler. Et Jésus, alors, nous offre un enseignement sur l’usage des biens : « Liez-vous d’amitié avec les richesses malhonnêtes, afin qu’à défaut de celles-ci, elles vous accueillent dans des demeures éternelles » (v. 9). Pour hériter de la vie éternelle, c’est-à-dire qu’il n’est pas nécessaire d’accumuler les biens de ce monde, mais ce qui compte, c’est la charité que nous aurons vécue dans nos relations fraternelles.

Voici donc l’invitation de Jésus : n’utilise pas les biens de ce monde uniquement pour toi-même et pour ton égoïsme, mais utilise-les pour générer des amitiés, pour créer de bonnes relations, pour agir dans la charité, pour promouvoir la fraternité et prendre soin des plus faibles.

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Les chrétiens ont à faire preuve de créativité

Frères et sœurs, même dans le monde d’aujourd’hui, il y a des histoires de corruption comme celle de l’Évangile ; comportements malhonnêtes, politiques injustes, égoïsmes qui dominent les choix des individus et des institutions, et bien d’autres situations obscures. Mais nous, chrétiens, ne nous laissons pas décourager ou, pire encore, laisser faire, rester indifférents.

Au contraire, nous sommes appelés à être créatifs en faisant le bien, avec la prudence et la perspicacité de l’Évangile, en utilisant les biens de ce monde – non seulement matériels, mais tous les dons que nous avons reçus du Seigneur – non pour nous enrichir , mais pour générer l’amour fraternel et l’amitié sociale. C’est très important : avec notre attitude, nous générons une amitié sociale.

Prions Marie Très Sainte de nous aider à être comme elle pauvres en esprit et riches en charité mutuelle.

Angelus…

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Après l’angélus

Chers frères et sœurs !

Je rends grâce à Dieu pour le voyage que j’ai pu effectuer ces derniers jours au Kazakhstan, à l’occasion du septième Congrès des responsables des religions mondiales et traditionnelles. Je vous propose d’en parler en audience générale mercredi prochain.

Je suis attristé par les récents combats entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie. J’exprime ma proximité spirituelle aux familles des victimes, et j’exhorte les parties à respecter le cessez-le-feu, en vue d’un accord de paix. N’oublions pas : la paix est possible quand les armes se taisent et que le dialogue s’engage ! Et nous continuons à prier pour le peuple ukrainien meurtri et pour la paix dans tous les pays ensanglantés par la guerre.

Je souhaite assurer mes prières pour les habitants des Marches touchés par une violente inondation. Je prie pour les défunts et leurs familles, pour les blessés et pour ceux qui ont subi de graves dommages. Que le Seigneur donne la force à ces communautés !

Je vous salue tous, Romains et pèlerins de différents pays. En particulier, je salue les Religieuses de Marie Immaculée de diverses communautés d’Afrique, d’Amérique latine, d’Asie et d’Europe ; ainsi que les fidèles de Séville et le Groupe séculier de Notre-Dame du Cénacle.

Je souhaite à tous un bon dimanche. S’il vous plaît, n’oubliez pas de prier pour moi. Bon déjeuner et au revoir !


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Messagers de paix et d’unité

Messagers de paix et d’unité

VOYAGE APOSTOLIQUE DE SA SAINTETÉ FRANÇOIS AU KAZAKHSTAN
(13-15 SEPTEMBRE 2022)

LECTURE DE LA DÉCLARATION FINALE ET CONCLUSION DU CONGRÈS

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Palais de l’Indépendance, Noursoultan
Jeudi 15 septembre 2022

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Chers frères et sœurs!

Nous avons cheminé ensemble. Merci d’être venus de différentes parties du monde, apportant ici la richesse de vos croyances et de vos cultures.

Merci d’avoir vécu intensément ces jours de partage, de travail et d’engagement au nom du dialogue, encore plus précieux en une période si difficile, sur laquelle pèse, en plus de la pandémie, la folie insensée de la guerre. Il y a trop de haines et de divisions, trop d’absence de dialogue et de compréhension de l’autre: dans le monde globalisé, cela est encore plus dangereux et scandaleux.

Nous ne pouvons pas continuer à être connectés et séparés, connectés et déchirés par trop d’inégalités. Merci donc pour les efforts visant à la paix et à l’unité. Merci aux Autorités locales, qui nous ont accueillis, en préparant et en organisant ce Congrès avec grand soin, mais aussi à la population amicale et courageuse du Kazakhstan, capable d’embrasser d’autres cultures tout en préservant sa noble histoire et ses précieuses traditions. Kiop raqmet! Bolshoe spasibo! Thank you very much!

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Ma visite, qui touche maintenant à sa fin, a pour mot d’ordre Messagers de paix et d’unité. Ce mot d’ordre est au pluriel, car le chemin est commun. Et ce septième Congrès, que le Très-Haut nous a donné la grâce de vivre, a marqué une étape importante. Depuis sa création en 2003, l’évènement a pour modèle la Journée de prière pour la paix dans le monde convoquée en 2002 par Jean-Paul II à Assise, pour réaffirmer la contribution positive des traditions religieuses au dialogue et à la concorde entre les peuples.

Après ce qui s’est passé le 11 septembre 2001, il était nécessaire de réagir, et de réagir ensemble, au climat incendiaire auquel la violence terroriste voulait inciter et qui risquait de faire de la religion un facteur de conflit. Mais le terrorisme pseudo-religieux, l’extrémisme, le radicalisme, le nationalisme masqué de sacralité suscitent encore des craintes et des inquiétudes à propos de la religion. Ainsi, il a été providentiel ces jours-ci de nous retrouver et d’en réaffirmer sa véritable et indispensable essence.

À ce propos, la Déclaration de notre Congrès affirme que l’extrémisme, le radicalisme, le terrorisme et toute autre incitation à la haine, à l’hostilité, à la violence et à la guerre, quelle que soit la motivation ou l’objectif qu’ils se fixent, n’ont rien à voir avec l’esprit religieux authentique et doivent être rejetés dans les termes les plus décisifs possibles (cf. n. 5): condamnés, sans «si» et sans «mais».

De plus, partant du fait que le Tout-Puissant a créé tous les hommes égaux, quelle que soit leur appartenance religieuse, ethnique ou sociale, nous avons convenu que le respect et la compréhension mutuels doivent être considérés comme essentiels et indispensables dans l’enseignement religieux (cf. n. 13).

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Le Kazakhstan, au cœur du grand et décisif continent asiatique, était le lieu naturel pour nous rencontrer. Son drapeau nous a rappelé la nécessité de maintenir une relation saine entre la politique et la religion. En effet, si l’aigle royal, présent sur la bannière, rappelle l’autorité terrestre, en rappelant les empires antiques, le fond bleu évoque la couleur du ciel, la transcendance. Il y a donc un lien sain entre la politique et la transcendance, une coexistence saine qui maintient les sphères distinctes.

Distinction, et non confusion ou séparation. «Non» à la confusion, pour le bien de l’être humain, qui a besoin, comme l’aigle, d’un ciel libre pour voler, un espace libre et ouvert à l’infini qui ne soit pas limité par le pouvoir terrestre. Une transcendance qui, en revanche, ne doit pas céder à la tentation de se transformer en pouvoir, sinon le ciel tomberait sur terre, l’au-delà divin serait emprisonné dans l’aujourd’hui terrestre, l’amour du prochain dans des choix partisans.

«Non» à la confusion, donc. Mais «non » également à la séparation entre politique et transcendance, car les plus hautes aspirations humaines ne peuvent être exclues de la vie publique et reléguées à la seule sphère privée. Par conséquent, que ceux qui souhaitent exprimer légitimement leur croyance soient toujours et partout protégés. Combien de personnes, pourtant, sont encore persécutées et discriminées pour leur foi!

Nous avons demandé avec insistance aux gouvernements et aux organisations internationales compétentes à venir en aide aux groupes religieux et aux communautés ethniques qui ont subi des violations de leurs droits humains et de leurs libertés fondamentales, ainsi que des violences commises par des extrémistes et des terroristes, notamment à la suite de guerres et de conflits militaires (cf. n. 6).

Il faut surtout s’engager pour que la liberté religieuse ne soit pas un concept abstrait, mais un droit concret. Défendons pour tous le droit à la religion, à l’espérance, à la beauté: au Ciel. Car non seulement le Kazakhstan, comme le proclame son hymne, est un «Ciel de soleil d’or», mais tout être humain: chaque homme et chaque femme, dans son irremplaçable unicité, s’il est en contact avec le divin, peut irradier une lumière particulière sur la terre.

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C’est pourquoi l’Église catholique, qui ne se lasse pas de proclamer la dignité inviolable de toute personne, créée «à l’image de Dieu» (cf. Gn 1, 26), croit aussi à l’unité de la famille humaine. Elle estime que «tous les peuples forment, en effet, une seule communauté; ils ont une seule origine, puisque Dieu a fait habiter tout le genre humain sur toute la face de la terre» (Conc. Ecum. Vat. II, Déclaration Nostra aetate, n. 1).

C’est pourquoi, depuis le début de ce Congrès, le Saint-Siège y a activement participé, notamment à travers le Dicastère pour le Dialogue Interreligieux. Et il veut continuer ainsi: la voie du dialogue interreligieux est une voie commune de paix et pour la paix et, comme telle, elle est nécessaire et sans retour. Le dialogue interreligieux n’est plus seulement une chance, c’est un service urgent et irremplaçable rendu à l’humanité, à la louange et à la gloire du Créateur de tous.

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Frères et sœurs, en pensant à ce cheminement commun, je me demande: quel est notre point de convergence? Jean-Paul II – qui a visité le Kazakhstan il y a vingt et un ans en ce même mois – a affirmé que «toutes les routes de l’Église conduisent à l’homme» et que l’homme est «la route de l’Église» (Lett. enc. Redemptor hominis, n. 14).

Je voudrais dire aujourd’hui que l’homme est aussi la voie de toutes les religions. Oui, l’être humain concret, affaibli par la pandémie, terrassé par la guerre, blessé par l’indifférence! L’homme, créature fragile et merveilleuse, qui « s’évanouit sans Créateur » (Conc. Ecum. Vat. II, Const. past. Gaudium et spes, n. 36) et qui n’existe pas sans les autres!

Il faut penser au bien de l’être humain plus qu’aux objectifs stratégiques et économiques, aux intérêts nationaux, énergétiques et militaires, avant de prendre des décisions importantes. Pour faire des choix vraiment grands, il faut penser aux enfants, aux jeunes et à leur avenir, aux personnes âgées et à leur sagesse, aux gens ordinaires et à leurs vrais besoins.

Et nous élevons la voix pour crier que la personne humaine ne se réduit pas à ce qu’elle produit ou gagne; qu’elle doit être acceptée et jamais rejetée; que la famille, en langue kazakh «nid d’âme et d’amour», est le berceau naturel et irremplaçable à protéger et à promouvoir pour que les hommes et les femmes de demain grandissent et mûrissent.

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Pour tous les êtres humains, les grandes sagesses et religions sont appelées à témoigner de l’existence d’un patrimoine spirituel et moral commun, fondé sur deux piliers: la transcendance et la fraternité. La transcendance, l’Au-delà, l’adoration. Il est beau que chaque jour des millions et des millions d’hommes et de femmes, d’âges, de cultures et de conditions sociales divers, se rassemblent en prière dans d’innombrables lieux de culte.

C’est la force cachée qui fait avancer le monde. Et puis la fraternité, l’autre, la proximité: car il ne peut professer une véritable adhésion au Créateur celui qui n’aime pas ses créatures. C’est l’esprit qui imprègne la Déclaration de notre Congrès, dont je voudrais, pour conclure, souligner trois mots.

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Le premier est la synthèse de tout, l’expression d’un cri du cœur, le rêve et le but de notre voyage: la paix! Beybitşilik, mir, peace! La paix est urgente car tout conflit militaire ou foyer de tension et d’affrontement aujourd’hui ne peut avoir qu’un «effet domino» néfaste et compromet gravement le système des relations internationales (cf. n.4).

Mais la paix «n’est pas une pure absence de guerre et elle ne se borne pas seulement à assurer l’équilibre de forces adverses; elle ne provient pas non plus d’une domination despotique», mais elle est «œuvre de justice» (Gaudium et spes, n. 78). Elle naît donc de la fraternité, elle grandit dans la lutte contre l’injustice et les inégalités, elle se construit dans l’ouverture aux autres. Nous, qui croyons au Créateur de tous, devons être à l’avant-garde de la propagation de la coexistence pacifique.

Nous devons la témoigner, la prêcher, l’implorer. C’est pourquoi la Déclaration exhorte les dirigeants du monde à mettre fin partout aux conflits et aux effusions de sang et à abandonner les rhétoriques agressives et destructrices (cf. n. 7). Nous vous prions, au nom de Dieu et pour le bien de l’humanité: engagez-vous pour la paix, non pour les armements! Ce n’est qu’en servant la paix que votre nom restera grand dans l’histoire.

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Si la paix fait défaut, c’est parce que l’attention, la tendresse et la capacité à donner la vie font défaut. Celle-ci doit donc être recherchée en impliquant davantage – le deuxième mot – la femme. Parce que la femme donne le soin et la vie au monde: elle est le chemin de la paix. Nous avons donc soutenu la nécessité de protéger leur dignité et d’améliorer leur statut social en tant que membre à part entière de la famille et de la société (cf. n. 23).

Les femmes doivent également se voir confier des rôles et des responsabilités plus importants. Combien de choix de mort seraient évités si les femmes étaient au centre des décisions! Travaillons afin qu’elles soient plus respectées, reconnues et impliquées.

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Enfin, le troisième mot: les jeunes. Ils sont les messagers de paix et d’unité d’aujourd’hui et de demain. Ce sont eux qui, plus que d’autres, invoquent la paix et le respect de la maison commune de la création. Par contre, les logiques de domination et d’exploitation, l’accaparement des ressources, les nationalismes, les guerres et les zones d’influence dessinent un monde ancien, que les jeunes rejettent, un monde fermé à leurs rêves et à leurs espoirs.

De même, les religiosités rigides et étouffantes n’appartiennent pas à l’avenir, mais au passé. En pensant aux nouvelles générations, on a affirmé ici l’importance de l’instruction qui renforce l’acceptation mutuelle et la coexistence respectueuse entre les religions et les cultures (cf. n. 21). Donnons aux jeunes des opportunités d’instruction, et non des armes de destruction! Et écoutons-les, sans crainte de nous laisser interroger par eux. Par-dessus tout, construisons un monde en pensant à eux!

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Frères, sœurs, le peuple du Kazakhstan, ouvert sur demain et témoin de tant de souffrances passées, avec son extraordinaire caractère multi-religieux et multiculturel, nous offre un exemple pour l’avenir. Il nous invite à le construire sans oublier la transcendance et la fraternité, l’adoration du Très-Haut et l’accueil de l’autre. Continuons ainsi, marchant ensemble sur la terre en enfants du Ciel, tisseurs d’espérance et artisans d’harmonie, messagers de paix et d’unité!


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Rencontre avec le clergé au Kazakhstan

Rencontre avec le clergé au Kazakhstan

VOYAGE APOSTOLIQUE DE SA SAINTETÉ FRANÇOIS AU KAZAKHSTAN
(13-15 SEPTEMBRE 2022)

RENCONTRE AVEC LES ÉVÊQUES, LES PRÊTRES, LES DIACRES, LES PERSONNES CONSACRÉES, LES SÉMINARISTES ET LES AGENTS PASTORAUX

DISCOURS DU SAINT-PÈRE

Cathédrale Mère de Dieu du Perpétuel Secours, Noursoultan
Jeudi 15 septembre 2022

Chers frères Évêques, chers prêtres et diacres, chers consacrés, séminaristes et agents pastoraux, bonjour!

Je suis heureux d’être ici parmi vous, de saluer la Conférence des évêques d’Asie centrale et de rencontrer une Église composée de tant de visages, d’histoires et de traditions différentes, tous unis par l’unique foi en Jésus-Christ.

Monseigneur Mumbiela Sierra, que je remercie pour ses mots de salutation, a dit: «La plupart d’entre nous sont des étrangers»; c’est vrai, car vous venez de lieux et de pays différents, mais c’est cela la beauté de l’Église: nous sommes une seule famille, dans laquelle personne n’est étranger.

Je le répète: personne n’est étranger dans l’Église, nous sommes un seul Peuple saint de Dieu enrichi par de nombreux peuples! Et la force de notre peuple sacerdotal et saint réside vraiment dans le fait de faire de la diversité une richesse en partageant ce que nous sommes et ce que nous avons: notre petitesse est multipliée si nous la partageons.

Le passage de la Parole de Dieu que nous venons d’entendre l’affirme précisément: le mystère de Dieu – dit saint Paul – a été révélé à tous les peuples. Pas seulement au peuple élu ou à une élite religieuse, mais à tous. Tout homme a accès à Dieu, car – explique l’Apôtre – toutes les nations «sont associées au même héritage, au même corps, au partage de la même promesse, dans le Christ Jésus, par l’annonce de l’Évangile» (Ep 3, 6).

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Je voudrais insister sur deux mots utilisés par Paul: héritage et promesse. D’une part, une Église hérite toujours d’une histoire, elle est toujours fille d’une première annonce de l’Évangile, d’un événement qui la précède, d’autres apôtres et évangélisateurs qui l’ont fondée sur la parole vivante de Jésus; d’autre part, elle est aussi la communauté de ceux qui ont vu la promesse de Dieu s’accomplir en Jésus et qui, en tant que fils de la résurrection, vivent dans l’espérance de l’accomplissement futur.

Oui, nous sommes les destinataires de la gloire promise, qui guide notre chemin dans l’attente. Héritage et promesse: l’héritage du passé est notre mémoire, la promesse de l’Évangile est l’avenir de Dieu qui vient à notre rencontre. C’est sur cela que je voudrais m’attarder avec vous: une Église qui chemine dans l’histoire entre mémoire et avenir.

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Tout d’abord, la mémoire. Si aujourd’hui, dans ce vaste pays multiculturel et multi-religieux, on peut voir des communautés chrétiennes dynamiques et un sens religieux qui traverse la vie de la population, c’est avant tout grâce à la riche histoire qui a précédé.

Je pense à la diffusion du christianisme en Asie centrale, qui a eu lieu dès les premiers siècles, aux nombreux évangélisateurs et missionnaires qui se sont dépensés pour répandre la lumière de l’Évangile, fondant des communautés, des sanctuaires, des monastères et des lieux de culte.

Il y a donc un héritage chrétien, œcuménique, qu’il faut honorer, et préserver, une transmission de la foi qui a eu pour protagonistes tant de gens simples, tant de grands-pères et de grands-mères, de pères et de mères.

Sur le chemin spirituel et ecclésial nous ne devons pas perdre le souvenir de ceux qui nous ont annoncé la foi, car faire mémoire nous aide à développer l’esprit de contemplation pour les merveilles que Dieu a accomplies dans l’histoire, même au milieu des difficultés de la vie et des fragilités personnelles et communautaires.

Mais faisons attention: il ne s’agit pas de regarder en arrière avec nostalgie, en restant bloqué sur les choses du passé et en se laissant paralyser dans l’immobilisme: c’est la tentation du retour en arrière. Le regard chrétien, lorsqu’il se retourne pour faire mémoire, veut nous ouvrir à l’émerveillement devant le mystère de Dieu, pour remplir notre cœur de louange et de gratitude pour ce que le Seigneur a accompli.

Un cœur reconnaissant, qui déborde de louanges, ne nourrit pas de regrets, mais accueille l’aujourd’hui qu’il vit comme une grâce. Et il veut se mettre en route, aller de l’avant, communiquer Jésus, comme les femmes et les disciples d’Emmaüs le jour de Pâques!

C’est cette mémoire vivante de Jésus, qui nous émerveille et que nous puisons surtout dans le Mémorial eucharistique, la force de l’amour qui nous pousse à avancer. C’est notre trésor. Parce que sans mémoire, il n’y a pas d’émerveillement. Si nous perdons la mémoire vivante, la foi, les dévotions et les activités pastorales risquent de faiblir, d’être comme des feux de paille, qui brûlent rapidement mais s’éteignent vite.

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Lorsque nous perdons la mémoire, la joie s’épuise. Nous perdons aussi la gratitude envers Dieu et nos frères, car nous tombons dans la tentation de penser que tout dépend de nous. Le Père Ruslan nous a rappelé une belle chose: être prêtre, c’est déjà beaucoup, car dans la vie sacerdotale on se rend compte que ce qui arrive n’est pas de notre fait, mais c’est un don de Dieu.

Et Sœur Clara, parlant de sa vocation, a voulu tout d’abord remercier ceux qui lui ont annoncé l’Évangile. Merci pour ces témoignages, qui nous invitent à faire mémoire reconnaissante de l’héritage reçu.

Si nous regardons à l’intérieur de cet héritage, que voyons-nous? Cette foi n’a pas été transmise de génération en génération comme un ensemble de choses à comprendre et à faire, comme un code fixé une fois pour toutes. Non, la foi a été transmise par la vie, par le témoignage qui a apporté le feu de l’Évangile au cœur des situations pour illuminer, purifier et répandre la chaleur consolante de Jésus, la joie de son amour qui sauve, l’espérance de sa promesse.

En faisant mémoire, nous apprenons alors que la foi grandit avec le témoignage. Le reste vient après. C’est un appel pour tous, et je voudrais le répéter à tous, fidèles laïcs, évêques, prêtres, diacres, hommes et femmes consacrés qui œuvrent de diverses manières à la vie pastorale des communautés: ne nous lassons pas de témoigner du cœur du salut, de la nouveauté de Jésus, de la nouveauté qu’est Jésus!

La foi n’est pas un bel étalage de choses du passé – cela serait un musée –, mais un événement toujours actuel, la rencontre avec le Christ qui se produit ici et maintenant dans la vie! C’est pourquoi elle ne se communique pas seulement en répétant les choses de toujours, mais en transmettant la nouveauté de l’Évangile. Ainsi, la foi reste vivante et a un avenir. C’est pourquoi j’aime dire que la foi doit être transmise « en dialecte ».

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Voici donc le deuxième mot, l’avenir. La mémoire du passé ne nous enferme pas sur nous-mêmes, mais nous ouvre à la promesse de l’Évangile. Jésus nous a assurés qu’il sera avec nous pour toujours: il ne s’agit donc pas d’une promesse adressée uniquement à un avenir lointain, nous sommes appelés à accueillir aujourd’hui le renouveau que le Ressuscité apporte à la vie. Malgré nos faiblesses, il ne se lasse pas d’être avec nous, de construire avec nous l’avenir de son Église qui est la nôtre.

Bien sûr, face aux nombreux défis de la foi – en particulier ceux concernant la participation des jeunes générations –, ainsi que face aux problèmes et aux épreuves de la vie, et en regardant son nombre, dans l’immensité d’un pays comme celui-ci, on peut se sentir « petit » et insuffisant.

Et pourtant, si nous adoptons le regard plein d’espérance de Jésus, nous faisons une découverte surprenante: l’Évangile dit qu’être petit, pauvre en esprit, est une béatitude, la première béatitude (cf. Mt 5,3), parce que la petitesse nous livre humblement à la puissance de Dieu et nous conduit à ne pas fonder notre agir ecclésial sur nos propres capacités.  Et c’est une grâce!

Je le répète: il y a une grâce cachée en étant une petite Église, un petit troupeau; au lieu de faire étalage de notre force, de notre nombre, de nos structures et de toute autre forme d’importance humaine, nous nous laissons conduire par le Seigneur et nous nous tenons humblement aux côtés des personnes.

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Riches en rien et pauvres en tout, nous marchons avec simplicité, proches des sœurs et des frères de notre peuple, apportant la joie de l’Évangile dans les situations de la vie. Comme le levain dans la pâte et comme la plus petite des graines jetées en terre (cf. Mt 13, 31-33), nous habitons les événements heureux et tristes de la société dans laquelle nous vivons, pour la servir de l’intérieur.

Être petit nous rappelle que nous ne sommes pas autosuffisants: que nous avons besoin de Dieu, mais aussi des autres, de tous les autres: des sœurs et des frères des autres confessions, de ceux qui professent d’autres croyances religieuses que les nôtres, de tous les hommes et femmes de bonne volonté.

Nous sommes conscients, dans un esprit d’humilité, que ce n’est qu’ensemble, dans le dialogue et l’acceptation mutuelle, que nous pouvons vraiment réaliser quelque chose de bon pour tous.

C’est le devoir particulier de l’Église dans ce pays: ne pas être un groupe qui s’éternise dans les mêmes vieilles choses ou qui s’enferme dans sa coquille parce qu’il se sent petit, mais une communauté ouverte à l’avenir de Dieu, enflammée par le feu de l’Esprit: vivante, pleine d’espérance, ouverte à ses nouveautés et aux signes des temps, habitée par la logique évangélique de la semence qui porte du fruit dans un amour humble et fécond.

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De cette manière, la promesse de vie et de bénédiction, que Dieu le Père déverse sur nous par l’intermédiaire de Jésus, s’accomplit non seulement pour nous, mais aussi pour les autres.

Et elle se réalise chaque fois que nous vivons la fraternité entre nous, lorsque nous prenons en charge les pauvres et les blessés de la vie, lorsque dans les relations humaines et sociales nous témoignons de la justice et de la vérité, en disant « non » à la corruption et au mensonge. Les communautés chrétiennes, et en particulier le séminaire, devraient être des « écoles de sincérité »: pas des milieux rigides et formels, mais des gymnases de vérité, d’ouverture et de partage.

Et dans nos communautés – rappelons-nous – nous sommes tous disciples du Seigneur: tous disciples, tous essentiels, tous d’égale dignité. Non seulement les évêques, les prêtres et les consacrés, mais toute personne baptisée a été immergée dans la vie du Christ et en Lui – comme nous l’a rappelé saint Paul – elle est appelée à recevoir l’héritage et à accueillir la promesse de l’Évangile.

Il faut donc donner de l’espace aux laïcs: cela vous fera du bien, afin que les communautés ne deviennent pas rigides et cléricalisées. Une Église synodale, en route vers l’avenir de l’Esprit, est une Église participative et coresponsable.

C’est une Église capable d’aller à la rencontre du monde parce qu’elle est formée dans la communion. Une chose m’a frappé dans tous les témoignages: non seulement le Père Ruslan et les sœurs, mais aussi Kirill le père de famille nous ont rappelé que dans l’Église, au contact de l’Évangile, nous apprenons à passer de l’égoïsme à l’amour inconditionnel.

C’est une sortie de soi dont tout disciple a constamment besoin: c’est le besoin de nourrir le don reçu au Baptême, qui nous pousse partout, dans nos rassemblements ecclésiaux, dans les familles, au travail, dans la société, à devenir des hommes et femmes de communion et de paix, qui sèment le bien là où ils se trouvent. L’ouverture, la joie et le partage sont les signes de l’Église primitive: et ils sont aussi les signes de l’Église de l’avenir.

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Rêvons et, avec la grâce de Dieu, construisons une Église davantage habitée par la joie du Ressuscité, qui rejette les peurs et les plaintes, qui ne se laisse pas raidir par des dogmatismes et des moralismes.

Chers frères et sœurs, demandons tout cela aux grands témoins de la foi dans ce pays. Je voudrais rappeler en particulier le bienheureux Bukowiński, un prêtre qui a passé sa vie à s’occuper des malades, des nécessiteux et des marginaux, payant de sa vie sa fidélité à l’Évangile par la prison et les travaux forcés.

On m’a dit que même avant sa béatification, il y avait toujours des fleurs fraîches et une bougie allumée sur sa tombe. C’est une confirmation que le peuple de Dieu sait reconnaître là où il y a de la sainteté, là où il y a un pasteur amoureux de l’Évangile.

Je tiens particulièrement à le dire aux évêques et aux prêtres, ainsi qu’aux séminaristes: telle est notre mission: ne pas être des administrateurs du sacré ou des gendarmes chargés de faire respecter les normes religieuses, mais des pasteurs proches des gens, des icônes vivantes du cœur compatissant du Christ.

Je me souviens aussi des bienheureux martyrs grecs catholiques, l’évêque Mgr Budka, le prêtre P. Zaryczkyj et Gertrude Detzel, dont le procès de béatification est maintenant ouvert. Comme nous l’a dit Mme Miroslava: ils ont apporté l’amour du Christ dans le monde. Vous êtes leur héritage: soyez la promesse d’une nouvelle sainteté!

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Je suis proche de vous et je vous encourage! vivez de cet héritage avec joie et témoignez-en généreusement, afin que ceux que vous rencontrez puissent percevoir qu’il existe une promesse d’espérance qui leur est adressée à eux aussi. Je vous accompagne dans la prière et maintenant nous nous confions de manière particulière au cœur de Marie Très Sainte, que vous vénérez de manière particulière comme Reine de la Paix.

J’ai lu un beau signe maternel qui s’est produit en des temps difficiles: alors que tant de personnes étaient déportées et étaient forcées de mourir de faim et de froid, elle, une Mère tendre et attentionnée, écoutait les prières que ses enfants lui adressaient. Au cours de l’un des hivers les plus froids, la neige a rapidement fondu, donnant naissance à un lac riche en poissons, qui a nourri tant de personnes affamées.

Que la Vierge fasse fondre la froideur des cœurs, insuffle à nos communautés une chaleur fraternelle renouvelée, nous donne une nouvelle espérance et un nouvel enthousiasme pour l’Évangile! Avec affection, je vous bénis et vous remercie. Et je vous demande, s’il vous plaît, de prier pour moi.


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