MYSTÈRE DE MARIE V:PLEINE DE GRÂCE

Dans le récit de l’Annonciation, l’ange de Dieu s’adresse à «une jeune fille nommée Marie», et l’appelle, non par son nom propre, mais par un qualificatif exceptionnel que St Luc traduit par le mot grec «kekharitoméné». Ce mot veut dire «graciée», «comblée des faveurs divines» ou encore «privilégiée». La traduction qui nous est la plus familière «pleine de grâce» manifeste clairement qu’il s’agit d’une désignation personnelle substituée au nom propre et qualifiant tout l’être de Marie.

«Réjouis-toi, pleine de grâce», que de conséquences on tirera de cette idée de plénitude, de totalité des dons de Dieu en Marie ! «Pleine de grâce», cela ne veut-il pas dire que tout est grâce en Marie, et puisque la grâce n’est rien d’autre que le principe intérieur de la vie spirituelle, de la relation véritable avec Dieu, tout ce qui compose la physionomie spirituelle de la Vierge ne sera-t-il pas l’effet de la libéralité de Dieu ?

Ce thème de la «plénitude de grâce» sera donc l’objet de notre première partie. Luther, parlant de la Sainte Vierge, invitait ses auditeurs à glorifier le regard de Dieu sur Marie plus que Marie elle-même, et la grâce divine dans sa source plus que dans ses effets. Ce en quoi il ne faisait qu’obéir à la pensée de Marie chantant dans son Magnificat : «Le Seigneur fit pour moi des merveilles, Saint est Son Nom».

Dans une seconde partie, notre méditation reviendra au niveau de notre vie terrestre, et nous nous demanderons quel est le message que l’Immaculée adresse aux hommes de notre temps. Cette jeune fille nommée Marie, appartient en toute vérité au monde des humains et nous pouvons croire en toute sincérité qu’elle est présente à tous nos problèmes les plus actuels et les plus ardus à résoudre. Elle est bien de chez nous, terrestre et chrétienne, la première rachetée par le sang de son Fils, et comme telle, elle a vraiment un message à nous transmettre. Ce message est une Personne humaine et divine à la fois : Jésus, son Fils.

En conclusion, nous nous demanderons quelle place nous devons faire à Marie, Immaculée et Pleine de grâce, dans notre vie de tous les jours.

I. — LES MERVEILLES DE DIEU EN MARIE

Dans l’A.T. aussi bien que dans le N.T. les «mirabilia Dei» (« merveilles de Dieu ») sont toutes ordonnées à la glorification du Fils de Dieu incarné qui Lui-même glorifie son Père en Lui réconciliant tous les hommes dans le Royaume éternel. Les merveilles divines contemplées en Marie ne font pas exception à cette loi de l’économie du salut. C’est pour le Christ, pour le donner au monde et non pas seulement pour le désigner du doigt comme Jean-Baptiste, que Marie a été voulue, choisie par Dieu et ornée de la plénitude de grâce. «Rassure-toi, Marie, lui dit l’ange, tu as gagné la faveur de Dieu», élevant ainsi la sainteté de Marie à un niveau de sublimité qui échappe à nos vues trop courtes.

1° L’Elue de Dieu :

La première grâce de Marie, qui conditionne toutes les autres, c’est d’avoir été choisie, «élue» par Dieu. Sa sainteté hors mesure prend sa source dans l’Ineffable colloque des Trois Personnes Divines. La volonté d’incarnation comportait inexorablement la venue de Dieu par voie de naissance dans le sein d’une femme. Ainsi Marie était déjà dans la pensée de Dieu bien avant la création du monde. «Dès le début, avant tous les siècles, Il m’a créée» (Ecclésiatique 24, 14).

Instrument indispensable pour le grand dessein d’Amour, le rôle qui lui était assigné en faisait après le Christ le personnage le plus important de l’Histoire du salut et par là de l’Histoire tout court.

2° « Enceinte du Verbe de Dieu ».

Cette expression est de St Ambroise de Milan. Elle a le mérite, dans sa brutalité, de projeter un «flash» incandescent sur la raison d’être fondamentale du mystère marial : mère consciente et consentante de Dieu se faisant homme. Ici se noue la Plénitude de grâce annoncée par le messager divin. Dieu, ce Dieu qui hante les rêves des hommes et les oblige malgré eux à se poser le problème de sa présence au milieu de nous, le Dieu vivant est venu en Marie pour prendre chair de sa chair.

Au cœur de l’Histoire des hommes, il y eut donc cet instant prodigieux où, dans le sein d’une jeune juive, l’Humanité entra en contact avec Dieu. En cet instant — par la Puissance de l’Éternel et le «fiat» de la Vierge — la Personne du Verbe s’unit à un corps et à une âme d’homme. Si Dieu crée chaque être humain avec amour, quelle ne dut pas être l’intensité de ce feu divin pour celle à qui il proposait de devenir la Mère de son Fils ?

« Mon cœur exulte de joie en Dieu mon Sauveur ».

En mettant le «Magnificat» sur les lèvres de Marie, Luc nous a livré l’expression véridique de son état d’âme. Pur cri d’adoration et d’action de grâce, tressaillement de joie et de victoire ! Cette vie nouvelle qu’elle sent bouger en elle, c’est son fils… et c’est aussi le Fils de Dieu. Les paroles de l’ange s’éclairent chaque jour un peu mieux : «Le Seigneur est avec toi». C’est parce que «le fruit de son sein est béni qu’elle est bénie entre les femmes». « Grâce incréée qui est Dieu même faisant de Marie non seulement l’instrument par lequel Il se donne au monde, mais surtout le premier être humain à qui Il pourra se communiquer avec la plénitude de son Amour Divin. La maternité de Marie est un don inouï qui entraîne pour elle la grâce d’être mère selon tout son être, chair et esprit. Il fallait pour cela que la foi, l’espérance et la charité grandissent en elle pour la rendre semblable à son Fils et apte à s’unir à Lui dans une union d’un amour indicible.

4° « La Toute-Pleine de Grâce ».

La sainteté de Marie est un grand mystère qui n’a cessé et ne cessera jamais d’attirer et de séduire les âmes qui ont le goût de Dieu, ou simplement celui du beau, du pur, de l’authentique. Nous en avons déjà vu le point de départ à l’origine des siècles dans le choix de Dieu, et son épanouissement merveilleux au jour de l’incarnation.

En adjoignant à ces deux aspects fondamentaux le privilège de l’Immaculée Conception, nous obtenons une trilogie mariale de grâces bien propre à faire naître en nos cœurs une admiration sans mesure.

L’Immaculée ! Ici encore admirons, pour la seule joie de nos cœurs, la gratuité absolue des dons de Dieu.

Le 8 décembre 1854, le pape Pie IX publiait dans la Bulle «Ineffabilis» la définition dogmatique de ce privilège : «Au premier instant de sa Conception, par la grâce et le privilège de Dieu tout-puissant, et en considération des mérites de Jésus-Christ, Sauveur du genre humain, la Vierge Marie fut préservée et exemptée de toute tâche de la faute originelle.»

C’est évidemment un mystère qui relève uniquement de la volonté de Dieu. C’est le mystère d’un Dieu qui a donné libre cours à son amour. Il faut penser à cet extraordinaire texte d’Osée (2,21-22) où le peuple adultère devient une fiancée sans tache :

«Je te fiancerai à moi pour toujours. Je te fiancerai par la justice et par le droit, par la tendresse et par l’amour. Je te fiancerai à moi par la fidélité, et tu connaîtras le Seigneur.»

Marie, fiancée de Dieu ! Marie, Mère de Dieu !

Marie, aimée comme une fiancée. Marie, aimée comme une Mère.

En appelant Marie à l’existence et en la choisissant comme fiancée et comme Mère, Dieu n’a pas pu ne pas vouloir qu’elle soit telle, qu’Il puisse en la regardant, mettre au large son Cœur plein d’Amour. Le Verbe Divin aime sa Mère d’un amour infini. Pouvait-II supporter qu’il y ait un seul instant, si bref soit-il, où fut vraiment séparée de Lui celle qui serait sa Mère ?

Une telle exigence d’Amour, seule une Mère Immaculée, totalement belle selon les catégories divines et humaines, totalement transparente à la Volonté du Père, totalement exempte de la moindre trace de péché, même du Péché Originel et de ses conséquences, pouvait la satisfaire.

Marie Immaculée, «c’est la Femme, dans sa splendeur originelle, la créature, enfin, dans la grâce restituée !»

II. — MARIE, UNE FEMME BIEN DE CHEZ NOUS

La destinée religieuse de toute l’humanité fut confiée par Dieu aux mains d’un seul homme que la Bible désigne sous le terme d’Adam. La grâce lui fut donnée comme une source qui devait se déverser de générations en générations pour que les hommes puissent vivre en paix et amitié avec Dieu. Il en était le médiateur moralement et religieusement responsable. Il n’a pas su remplir ce rôle de médiateur. Son échec fut un échec à la source qu’il avait l’honneur d’être et rendit radicalement impossible la vocation surnaturelle des hommes à l’unité. «Par la désobéissance d’un seul, la multitude a été pécheresse.» (Romains 5, 19).

Par la faute du médiateur, les hommes naissent dans un état de séparation d’avec leur Créateur. Cette situation est un état réel de péché qui s’inscrit dans la nature même par la naissance. Notre puissance d’aimer et de vouloir éprouve comme un besoin quasi-invincible de se recroqueviller sur elle-même contredisant ainsi l’ouverture aux autres et à Dieu. Quelles que soient leurs options religieuses ou philosophiques, politiques ou scientifiques, les hommes possèdent tous ce dénominateur commun que l’Église appelle «Péché Originel».

L’universalité de ce péché posait forcément la question de la sainteté «immaculée» de Marie.

D’un côté, l’appartenance à la Société humaine rendait Marie profondément solidaire de tous les hommes, de toute leur nature, de toute leur histoire, de tout leur destin. Alors, pourquoi la soustraire à ce péché originel qui n’est pas un acte mais un état-source de toutes nos souffrances ou, du moins, d’une très grande partie ?

Mais d’autre part, comment ne pas considérer qu’elle a été créée par le Christ, et que sa venue au monde est déjà l’incarnation commencée ?

— La première des rachetés:

Il est vrai, tout au long de l’Histoire de l’Eglise, les théologiens ont débattu ce problème difficile. De part et d’autre, l’amour, le respect, la vénération pour la Vierge Marie étaient de même qualité, avaient la même profondeur. Enfin au XIX° siècle, l’Église a jugé opportun de conclure par la Bulle « Ineffabilis ». Elle l’a fait dans un esprit de synthèse.

De par sa naissance, de par sa vie, de par sa vocation de Mère du Sauveur des hommes, Marie est vraiment humaine, parfaitement solidaire de toute l’Humanité et de chacun des êtres humains. A ce titre, elle «aurait dû» partager leur sort.

Mais à l’universalité du Péché Originel, Dieu a opposé l’universalité de la Rédemption. Nous n’avons qu’un seul Sauveur, le Christ s’offrant à son Père pour le salut de tous les hommes. «Celui qui n’avait pas connu le péché, Dieu l’a fait péché pour nous, afin qu’en Lui nous devenions justice de Dieu.» (Romains 8,3) C’est une loi absolue qui ne souffre pas d’exception. En Marie, comme pour tous les rachetés, la grâce, qui est victoire sur la mort et le péché, n’est pas «sa» victoire, mais «celle de son Fils». A la solidarité par voie de naissance avec l’ensemble des hommes s’ajoute cette nouvelle solidarité par voie de grâce qui fait de Marie la première des rachetés.

— L’éminente Sainteté de Marie.

Ayons bien garde, cependant d’oublier la singularité de la rédemption de la Vierge. Notre propre rédemption s’opère à partir d’un état de péché qui même après le baptême laisse en nous une propension à nous éloigner de Dieu. Pour Marie, les fruits de rédemption ont joué avant même sa naissance, dans ce que nous pourrions convenir d’appeler le «décret de son Election», de telle sorte qu’ «elle est née dans la grâce», dans cette vie de lumière divine dont elle n’avait connaissance d’ailleurs que par la foi. Sa rédemption est donc une rédemption préservatrice. C’est là le côté sublime et absolument privilégié de son rachat, car prévenir le péché est un événement autrement significatif que de l’expier et de le pardonner quand il est réellement présent. Le motif profond de cette préservation tient dans l’intensité d’amour du Fils pour sa Mère. Les conséquences de ce privilège dans la vie et la sainteté de Marie sont indicibles et ne peuvent que nous remplir d’amour et de reconnaissance pour un Dieu qui a fait, pour une simple créature comme nous, de si grandes choses, au point que toutes les générations l’appelleront «bienheureuse».

CONCLUSION

que nous venons de dire n’est qu’une pauvre ébauche de ce sujet inépuisable qu’est l’éminente sainteté de Marie. Plus que jamais nous avons besoin de la contempler, car sa beauté spirituelle est le reflet de la splendeur de Dieu et l’image de la beauté à laquelle tout homme est appelé.

Glorifier Marie, c’est donner à l’homme d’aujourd’hui toutes ses chances d’un exhaussement incomparable de sa vie terrestre par une rencontre de plus en plus profonde avec le Christ. Nos péchés ne sont-ils pas justement ce qui, en nous, n’est pas du Christ ? Et Marie n’est-elle pas le seul être qui n’ait jamais eu en elle que ce qui vient du Christ ?

C’est en Marie que l’union du Verbe incarné à l’humanité commence. Elle inaugure donc le temps de la communion, de l’ «amitié» avec Dieu fait homme, communion et amitié qui deviennent les caractéristiques essentielles de l’attitude religieuse chrétienne. Pour tout chrétien l’unique modèle à suivre et la source originelle où il faut aller puiser les eaux vives de la vie demeurent le Christ. Mais c’est de la manière de recevoir le Christ, de communier à Lui dans la foi, que la Vierge est le modèle propre.

Ce qui est vrai pour tout chrétien, l’est à un degré encore plus impératif pour ceux qui, dans l’Église, portent en eux la marque du dessein profond que Dieu a révélé si parfaitement en Marie. Ici nous pensons plus spécialement aux prêtres, aux religieux et  religieuses qui ont consacré toute leur vie à «engendrer» et faire croître le Christ dans les cœurs. Suivant le mot de Sainte Thérèse de Lisieux, ils sont le «cœur de la sainte Eglise», participant à sa maternité spirituelle, en imitant celle de Marie. Il est donc clair qu’elles trouveront en la Vierge Marie la plus haute réalisation de leur vocation : recevoir le Christ et en vivre pour le donner.

 

MYSTÈRE DE MARIE IV:MÈRE DES HOMMES

MÈRE DES HOMMES

Mère du Christ, et par là même Mère de Dieu, Marie est aussi, inséparablement, Mère de tous les humains, notre Mère. A ce titre, nous aimons l’invoquer et pouvons recourir très filialement à elle.

« Selon la Tradition, écrit Jean-Paul II dans son encyclique Redemptoris Mater, le Concile n’hésite pas à appeler Marie «Mère du Christ et Mère des hommes»:

En effet, elle l’est, «comme descendante d’Adam, réunie à l’ensemble de l’humanité…, bien mieux, elle est vraiment « Mère des membres [du Christ]… ayant coopéré par sa charité à la naissance dans l’Église des fidèles » … Cette « nouvelle maternité de Marie », établie dans la foi, est un fruit de l’amour « nouveau » qui s’approfondit en elle définitivement au pied de la Croix, par sa participation à l’amour rédempteur du Fils. » (Redemptoris Mater n°23 – Sur la bienheureuse Vierge Marie dans la vie de l’Église en marche 25-03-1987)

I. « IL LUI DONNA UNE COADJUTRICE SEMBLABLE A LUI… »

Dans le Dessein de Dieu, la Femme a été appelée à être la « coadjutrice de l’Homme », son associée en l’Œuvre de Vie. Elle devait composer avec lui, dans la diversité et la complémentarité de leurs êtres, une Image complète de Dieu. Dans le Plan Rédempteur, le Christ est promu Nouvel Adam, Nouveau Chef, Prototype de l’Humanité. La Femme, si liée au péché d’origine, sera associée aussi étroitement que possible à l’«Incarnation rédemptrice».

Marie est la « Nouvelle Ève », la «coadjutrice» du Christ en Son Œuvre de Vie. Elle nous donne une Vie qui vient d’elle et lui appartient, et cela par une action propre.

La maternité spirituelle de Marie est essentiellement le prolongement, le plein épanouissement, l’ultime conséquence de sa maternité divine. Celle-ci n’a été voulue qu’en vue de celle-là. Elle est tout orientée vers elle. Si le Christ s’est incarné, devenant Fils de Marie, c’est afin de devenir Tête de ce grand Corps mystique dont tout homme est appelé à devenir membre. Si Marie a conçu le Christ, c’est pour Le donner au Monde. Si elle Lui a communiqué sa vie humaine, c’est afin qu’Il nous communique Sa vie divine. Il n’est donc pas exagéré de dire que la maternité spirituelle de Marie est infiniment plus précieuse que sa maternité physique.

Dieu n’a jamais pensé une mère de Jésus qui ne fut pas la nôtre. Parce que Dieu n’a jamais pensé que son Fils total : Jésus, et nous, ses membres. On peut dire que tous les actes de sa maternité à notre égard découlent du parfait dévouement à la personne et à l’œuvre de son Fils, et de la parfaite compréhension qu’elle en a. Pour elle, le Christ, son Fils, est tout. Elle ne voit que Lui, elle ne sent que Lui. Mais c’est nous tous, c’est toute la chrétienté qu’elle aime et qu’elle sert, en sa personne à Lui. Son adhérence au Verbe incarné est une application à tout le corps mystique de tous les actes de sa vie dans le temps et dans l’éternité.

« La première Eve, dans la justice originelle, devait enfanter ses fils à la vie du corps et de l’âme. Mais nos mères n’ont plus que la vie du corps à transmettre, avec la ruine du péché. Dans le plan de la revanche, une femme a eu le privilège, non seulement d’enfanter pour la vie du corps et de l’âme, mais encore de tout régénérer, de tout restaurer dans la perfection de l’ordre hypostatique. La Vierge qui se proclame bienheureuse est, non la femme maudite en sa maternité, mais la femme épanouissant son être dans la maternité la plus haute : elle enfante un chef à l’humanité, et par ce seul enfantement elle régénère tous les hommes. » (Maria, T. II, p. 593.)

II. LES ÉTAPES DE LA MATERNITÉ SPIRITUELLE DE MARIE

En cette maternité spirituelle de Marie, nous pouvons, semble-t-il, discerner trois étapes :

1° – L’ANNONCIATION.

C’est le point de départ, la source de la maternité spirituelle de Marie. Concevant en son sein le Christ, Verbe de Dieu et Vie du Monde, Marie par là même nous conçoit en quelque sorte à la vie divine.

La maternité consiste essentiellement pour la femme à transmettre la vie, sa propre vie. Or, Marie nous a communiqué la vie divine en nous donnant Jésus, qui est bien sa propre vie. Concevant le Christ en son sein au matin de l’Annonciation, Marie a fait jaillir en notre terre aride la Source de la Vie, la Source de toutes grâces. Par sa maternité divine, elle est donc à l’origine de notre régénération, seconde et essentielle naissance. C’est par elle que le Christ nous a été donné. Appelant Jésus à la vie. Marie par là même nous appelait à la Vie.

2° – LA COMPASSION

Nous ayant conçus au matin de l’Annonciation, Marie nous a, en quelque sorte, enfantés au Calvaire, par sa communion pleinement aimante à la mort rédemptrice de Son Fils. Le Fiat de l’Incarnation se prolonge et trouve tout son sens dans le Fiat du Calvaire, ultime et très personnel consentement au Sacrifice du Sauveur.

« Mère, voici ton Fils » : C’est du haut de la croix, quelques instants avant de réaliser le Sacrifice qui nous vaut le pardon, le Don Parfait de notre régénération, que Jésus proclame Marie Mère des Hommes.

Maternité douloureuse : les enfants qu’elle doit enfanter à la vie divine sont tous des pécheurs. Si nous ne sommes pas le fruit de ses entrailles, nous sommes celui de ses larmes. C’est au pied de la Croix qu’elle nous reçoit de Son Fils, et nous adopte pour ses enfants :

Marie accepte un douloureux échange. Elle doit physiquement abandonner Jésus pour nous donner spirituellement asile dans son cœur. Il faut que Jésus laisse la place terriblement vide pour que nous venions l’occuper par nos misères, nos divisions, nos faiblesses de toutes sortes.

La croix n’est pas pour Marie un terme, mais bien le point de départ de l’ultime et principale étape, la plus douloureuse aussi : au moment même où Marie renouvelle son Fiat et offre Son Fils, Celui-ci lui demande de nous prendre à Sa place, de nous adopter, de nous aimer de l’amour même, sans cesse croissant, qu’elle n’a cessé de Lui porter.

3° – AUPRÈS DE SON FILS…

Une mère ne se contente pas de concevoir et enfanter son enfant : elle préside à son éducation, à son plein développement. En ce qui nous concerne, Marie le fait au ciel, ne cessant d’intercéder pour nous. Si on peut la dire médiatrice de toutes grâces, c’est en ce sens qu’elle intercède pour nous. Intercession de même nature que celle de tous les élus, mais d’un ordre d’une qualité, d’une efficacité très supérieurs.

La puissance d’intercession est fonction du degré de charité de celui qui intercède. Parce qu’immensément aimante, Marie est toute-puissante sur le cœur de Dieu.

Il faut dire plus : Marie, Nouvelle Ève, a mission de participer, en intime communion à Son Fils, à l’édification du Corps mystique. Elle le fait éminemment en intercédant pour nous. Comment le Seigneur, qui lui a confié ce rôle, pourrait-Il ne pas l’écouter ?

Suscitée pour être un lien, pour mettre la dernière perfection au lien entre Dieu et les Hommes, elle agira en faisant liaison. Sa fonction, son inclination naturelle, son geste spontané dans l’ordre de la grâce sera d’unir, de demander, d’intercéder, d’obtenir.

Marie est celle par qui la Sainteté est entrée et demeure en communion avec toute sa race. Comme tous les élus, c’est par sa prière que Marie agit, mais elle le fait à un titre tout spécial, et avec une incomparable perfection :

« On ne peut lui refuser (à Marie) ce qui peut appartenir à d’autres créatures : le pouvoir, bien souvent, d’illuminer nos âmes, de déterminer en elles, par une influence directe, bien des mouvements, de leur faire sentir comme une pression, comme une présence… Et pourquoi ne pas être tenté d’attribuer à l’intervention directe de son âme dans notre âme tout ce qui est de l’ordre de la préservation, de !a disposition de la grâce ? Il y aurait ainsi une merveilleuse correspondance entre son rôle maternel qui consiste avant tout à offrir une matière à l’incarnation, et son rôle médiateur qui consisterait à préparer la matière humaine à la descente de la grâce en même temps qu’à appeler cette grâce par la prière.» (Nicolas, O.P., Maria. T. Il, p. 739.)

III. ACTIVITÉS MATERNELLES DE MARIE

Comment se traduit cette maternité spirituelle de Marie ?

1° – PAR UNE PARTICULIÈRE PARTICIPATION A LA MÉDIATION DU CHRIST.

« Unique est notre médiateur, selon les paroles de l’Apôtre Paul: « car il n’y a qu’un Dieu, il n’y a aussi qu’un médiateur entre Dieu et les hommes, le Christ Jésus, homme lui-même, qui s’est donné en rançon pour tous » (1 Timothée 2, 5-6). Mais le rôle maternel de Marie à l’égard des hommes n’offusque et ne diminue en rien cette unique médiation du Christ : il en manifeste au contraire la vertu.

Car toute influence salutaire de la part de la Bienheureuse Vierge sur les hommes a sa source dans une disposition purement gratuite de Dieu ; elle ne naît pas d’une nécessité objective, mais découle de la surabondance des mérites du Christ ; elle s’appuie sur sa médiation, dont elle dépend en tout et d’où elle tire toute sa vertu, l’union immédiate des croyants avec le Christ ne s’en trouve en aucune manière empêchée, mais, au contraire, aidée. Elle (Marie) apporta à l’œuvre du Sauveur une coopération absolument sans pareille par son obéissance, sa foi, son espérance, son ardente charité, pour que soit rendue aux âmes la vie surnaturelle. C’est pourquoi elle est devenue pour nous, dans l’ordre de la grâce, notre Mère.

« … Après son Assomption au ciel, son rôle dans le salut ne s’interrompt pas. Par son intercession répétée, elle continue à nous obtenir les dons qui assurent notre salut éternel… C’est pourquoi la bienheureuse Vierge est invoquée dans l’Eglise sous les titres d’Avocate, d’Auxiliatrice, de Secourable, de Médiatrice, tout cela cependant entendu de telle façon que nulle dérogation, nulle addition ne résulte quand à la dignité et à l’efficacité de l’unique médiateur, le Christ… L’unique médiation du rédempteur n’exclut pas mais suscite, au contraire, une coopération variée de la part des créatures, en dépendance de l’unique source. » (Lumen Gentium, ch. VIII, n° 60-62)

Nouvelle Eve, Marie a participé à la satisfaction infinie de Son Fils par son Amour sans limite, amour qui a été, lui aussi, jusqu’à la Croix.

Si le Christ est le Nouvel Adam, Marie est la Nouvelle Eve. Si le Christ satisfait pleinement pour nous et nous mérite surabondamment toutes les grâces qui nous sont nécessaires, Marie, en la dépendance de Son Fils, participe à cette satisfaction : le Père voit éternellement et inclut ses mérites à elle, en ceux, infinis, de Son Fils, pour le Salut du Monde.

C’est par Son amour infini que le Christ nous a rachetés, sauvés. Le péché étant un refus d’amour, un refus à l’Amour, la rédemption ne pouvait s’opérer que par un don, un excès d’amour. Le mérite est fonction de l’amour. Coadjutrice du Christ, Marie a participé à son œuvre rédemptrice, œuvre d’amour, par sa plénitude de grâces, qui lui permettait d’aimer d’un amour sans mesure, pleinement harmonisé à l’amour de Son Fils.

La Rédemption s’est opérée sur la Croix, par un amour allant jusqu’à l’ultime sacrifice. Or, Marie s’est très activement unie à la mort de Son Fils, acceptant cette mort. offrant son Fils. Elle pouvait redire en toute vérité avec le Christ : « Nul ne m’ôte ma vie : je la donne ». La vie de Marie, c’est son Fils. Nul ne le lui ôte ; elle-même l’offre. N’est-ce pas pour elle le grand, l’ultime sacrifice ?

2° – EN ÉTANT NOTRE MODÈLE.

Prolongement de la naissance, l’éducation fait essentiellement partie de toute vocation maternelle. Que serait une mère abandonnant son enfant à son impuissance et ne se préoccupant pas de le conduire à l’état adulte ?

Éducatrice du Christ, Marie est aussi notre éducatrice à tous. Parce qu’elle est notre Mère, il lui appartient de nous conduire au plein épanouissement de notre vie spirituelle.

Éducatrice, Marie l’est surtout en étant notre Modèle ; l’éducation se fait d’abord, indispensablement, par l’exemple, le témoignage.

Créés à l’image de Dieu, affamés de Son amour, en marche vers Lui, du fond de notre misère, nous avons besoin d’un modèle qui nous dépasse immensément sans nous écraser, qui nous fascine sans nous aveugler, qui nous entraîne sans nous essouffler ni nous décourager.

Le Christ, « Fils bien-aimé » du Père, « premier né de toutes créatures », « empreinte de sa substance et rayonnement de sa gloire », « image du Dieu invisible », est le Modèle parfait, unique, la cause exemplaire de notre perfection. Mais avec Lui, en son rayonnement, Marie est aussi notre Modèle, Chef-d’œuvre de la Trinité. miroir de Justice, Immaculée, vivant reflet de la Sainteté de Son Fils.

— « Dans le mystère de l’Église… la Bienheureuse Vierge Marie occupe la première place, offrant, à un titre éminent et singulier, le modèle de la Vierge et de la Mère. C’est dans sa foi, et dans son obéissance qu’elle a engendré sur la terre le Fils du Père… Les fidèles du Christ… sont encore tendus dans leurs efforts pour croître en sainteté par la victoire sur le péché ; c’est pourquoi ils lèvent les veux vers Marie comme modèle des vertus qui rayonne sur toute la communauté des élus… Marie rassemble et reflète en elle-même d’une certaine façon les requêtes suprêmes de la foi, et elle appelle les fidèles à son Fils et à son sacrifice. Ainsi qu’à l’amour du Père,… la Vierge a été par sa vie le modèle de cet amour maternel dont doivent être animés tous ceux qui, associés à la mission de l’Église, travaillent à la régénération des hommes. » (Lumem Gentium ch. VIII n° 63-64)

3° – EN ÉTANT NOTRE REFUGE.

Nous sommes tous d’une immense faiblesse. Trop faibles pour demeurer longtemps fidèles à notre vocation chrétienne et religieuse, nous tombons, plus ou moins souvent, plus ou moins lourdement. Notre route chrétienne est jalonnée d’innombrables chutes et d’incessants relèvements.

Il est des jours, de longues périodes de nuit plus ou moins totale : nous n’y voyons plus clair, nous n’y comprenons plus rien.

Il est des heures de terribles tempêtes : Dieu nous paraît beaucoup trop haut, trop loin, trop silencieux. L’instant de notre chute, lui, nous paraît terriblement proche.

Il est des épreuves, des souffrances, des larmes, que nous ne pouvons confier à personne.

Il est des heures de doute, de révolte, de lâcheté, où nous ne pensons pas pouvoir regarder Dieu en face, ni même le Christ.

Parce qu’elle est Mère, pleinement, Marie est ce refuge en lequel nous pouvons venir nous abriter, quel que soit notre état d’âme. Éminemment maternel, l’amour de Marie s’arrête à chacun de nous, individuellement. Chacun de nous reçoit d’elle, personnellement, tout l’amour qu’un enfant reçoit de sa mère.

— Elle aime les pauvres pécheurs, surtout les plus pauvres, c’est-à-dire ceux qui sont le plus détachés de leurs péchés, ceux qui reconnaissent le plus humblement la malice de leurs fautes, et croient avec le plus de foi que leurs chutes peuvent être, pour la miséricorde de Dieu, l’occasion de nouvelles effusions de grâces, en un mot, ceux qui ont le plus parfaitement le sens du péché.

Si le message évangélique est extrêmement exigeant, requérant de nous d’incessants dépassements, de douloureux sacrifices, si, en certaines heures, nous redoutons une certaine austérité qui, à tort, nous paraîtrait inhumaine, combien il nous est bon que Marie soit là, Type de la Femme voulue de toute éternité par Dieu, pour chacun de nous, Mère très aimante et très proche, toute-secourable à notre misère, et toute-puissante sur le Cœur de Dieu. Combien il nous est doux de savoir qu’aux côtés du Nouvel Adam, Notre Sauveur, se trouve Marie, Nouvelle Ève, Mère des Humains, incarnant, rayonnant tout spécialement la Tendresse, la Fidélité, la Délicatesse, la Miséricorde de Dieu, « Beaucoup plus Mère que Reine ».

Comment ne pas nous abandonner entièrement à son influence maternelle, toute-puissante et toute-miséricordieuse, et cela d’autant plus que nous sommes plus petits et plus pécheurs, plus faibles et plus démunis ?

CONCLUSION

En résumé, Marie est un cadeau pour nous tous. Elle a un rôle maternel pour tous les hommes, en elle découle la surabondance de la grâce du Christ. Au pied de la croix (douleur maximale), elle a une nouvelle mission, celle d’enfanter l’Église, les hommes. Elle reçoit Jean : « Voici ton fils, fils, voici ta mère. » La présence de Marie au pied de la croix a été un soutien, une aide. La souffrance ne diminue pas, mais Marie est là. (Pour nous, c’est la même chose, au pied de la croix invoquons Marie!) – Marie n’est pas simplement une belle couronne, un beau supplément de notre vie spirituelle, elle agit puissamment dans la construction des murs de notre édifice intérieur. On ne peut pas se passer d’elle. En effet par sa prière, Marie engendre Jésus en nous tous.

Pour terminer, reprenons la prière de consécration à Marie de Jean-Paul II, en la basilique Sainte-Marie-Majeure, le 8 décembre 1981, redonnée à Fatima le 13 mai 1982 :

«Mère des hommes et des peuples, toi qui connais toutes leurs souffrances et leurs espérances, toi qui ressens d’une façon maternelle toutes les luttes entre le bien et le mal, entre la lumière et les ténèbres qui secouent le monde, accueille l’appel que, dans l’Esprit Saint, nous adressons directement à ton cœur, et embrasse dans ton amour de mère et de servante du Seigneur, ceux qui ont le plus besoin de ta tendresse et aussi ceux dont tu attends toi-même d’une façon particulière qu’ils s’en remettent à toi. Prends sous ta protection maternelle toute la famille humaine que, dans un élan affectueux, nous remettons entre tes mains, ô notre Mère. Que vienne pour tous le temps de la paix et de la liberté, le temps de la vérité, de la justice et de l’espérance ».

LE MYSTÈRE DE MARIE III : MÈRE DE DIEU

I. UNE PREMIÈRE APPROCHE

Theotokos Kardiotissa | DR
Theotokos Kardiotissa | DR

Sujet rabâché ? Au contraire, jamais sujet semblable ne sera assez approfondi. Sujet ennuyeux ? Pas du tout ! La maternité de Marie est un trésor d’où l’on tire sans cesse du nouveau et de l’ancien. A l’heure actuelle, il y a un grand courant contestataire. On nie que Marie soit la Mère de Dieu, pour la bonne raison qu’on nie que Jésus-Christ soit vraiment Dieu !

Au 5e siècle, l’hérésie était différente. On ne niait pas la divinité de Jésus-Christ mais on pensait qu’il y avait en Lui deux personnes, la personne divine : Dieu, et la personne humaine : Jésus. Il en découlait que Marie était la mère de Jésus et non la mère de Dieu.

Le concile d’Éphèse en 431 définit le dogme de l’unité de personne de Jésus-Christ, vrai Dieu et vrai homme. Le concile définit aussi le rôle de la maternité divine de Marie. Parce que Jésus-Christ est à la fois Dieu et homme en une seule personne, la personne divine, Marie, sa Mère, est bien Mère de Dieu.

Mais pourquoi tant d’acharnement contre la maternité divine de Marie ? Parce que c’est le plus beau titre de gloire de la Reine du ciel, donc celui qui irrite le plus. En effet, Satan, en faisant pécher la première femme, l’avait condamnée à n’engendrer que des fruits de mort et avait ainsi placé toute l’humanité dans le péché.

Marie, la nouvelle Ève, a redonné le fruit de vie, l’auteur même de la vie. Dans la pensée de Dieu, Marie n’a été créée que pour être la Mère du Verbe. En vue de cette maternité divine, il l’éleva à un état sublime, l’orna de tous les privilèges dont les deux principaux sont l’Immaculée Conception et la plénitude de grâce. Sa conception immaculée lui était donnée en prévision des mérites futurs de Jésus-Christ.

Marie fut préservée du péché originel afin d’être, non seulement le digne tabernacle de Dieu, mais surtout afin d’être sanctifiée dès sa naissance, comblée de la plénitude de la grâce qui rendait son union au Christ totale et la faisait appartenant à l’Incarnation, elle-même, Marie, conçue de toute éternité pour donner Jésus au monde a la mission éternelle de donner le Christ. Elle est établie jusqu’à la fin du monde comme dispensatrice de toutes grâces et médiatrice entre les hommes et le Christ.

Éternellement, elle dispensera aux élus la lumière qu’Elle reçoit directement et en plénitude du Christ. Ceci n’est pas sans scandaliser celui qui, avant sa chute, recevait en premier et dans l’ordre naturel toute la lumière de Dieu. D’où son nom : Lucifer. Tout ange ne recevait la lumière de Dieu que par lui. Et voilà qu’une femme, une créature humaine, a pris sa place dans l’ordre surnaturel ! En appelant Marie par son titre de Mère de Dieu, on rappelle aussi aux hommes l’humilité infinie d’un Dieu qui a accepté de s’abaisser jusqu’à s’incarner dans le sein d’une de ses créatures. Une créature enfantant son créateur !

Le Verbe a pris la nature humaine pour être le frère de tous les hommes selon la chair. Par sa Passion, il nous a établis fils adoptifs du Père que nous pouvons désormais appeler : notre Père. En disant sur la Croix : « Femme, voici ton fils », Jésus, qui venait de nous donner pour père son propre Père, nous faisait enfants de sa propre Mère. Marie était établie Mère de nos âmes, la « Femme », celle dont la mission est de nous enfanter tous à la Vie. Marie, première créature rachetée, devenait à cet instant la Mère de tous les rachetés.

Par sa maternité divine, Marie trône au-dessus de tous les anges et de tous les saints. Bien que Mère de Dieu, Elle n’est pas d’essence divine mais pleine de la lumière divine. Sa participation à la divinité est si grande qu’Elle brille de la lumière même de Dieu, Elle est reflet de Dieu. Créée pour la Rédemption, elle fut conçue de toute éternité dans la pensée de Dieu avant toute créature et aimée de Lui par-dessus toutes les créatures.

« Le Seigneur me posséda dès le commencement de ses voies
Avant ses œuvres, depuis toujours.
Dès les siècles j’ai été formée,
Dès le début, avant les origines de la terre… »
(Livre des Proverbes 8, 22)

Mère de Dieu, Immaculée, pleine de grâce, quels beaux titres de gloire ! Vite redisons-lui : « Je vous salue Marie… »

Le titre par lequel la liturgie désigne le plus souvent la Sainte Vierge est donc celui de Mère de Dieu : «Sainte Marie, Mère de Dieu». Telle est la grandeur de Marie. Ainsi l’a toujours compris l’Église. Le Concile Vatican Il, reprenant les déclarations du Concile d’Éphèse (431) a confirmé cette croyance.

« La Vierge Marie, en effet, qui, lors de l’Annonciation faite par l’Ange, reçut le Verbe de Dieu à la fois dans son cœur et dans son corps… est reconnue et honorée comme la véritable Mère de Dieu et du Rédempteur. Rachetée de façon éminente en considération des mérites de son Fils, unie à lui par un lien étroit et indivisible, elle reçoit cette immense charge et dignité d’être la Mère du Fils de Dieu » (Lumen Gentium n° 53).

Retrouver un peu de lumière sur cette vérité nous aidera à établir notre piété mariale sur un fondement solide.

II. VRAIE MÈRE DE JÉSUS – L’Écriture

Les évangiles et les épitres nous apprennent avant tout de Marie qu’elle est la vraie Mère de Jésus.

Saint Paul ne nomme pas une seule fois directement la Vierge Marie ; mais en deux fois, l’Apôtre nous renvoie à la femme dont est né Jésus.

« Le Fils de Dieu est issu de David selon la chair » (Romains 1,3).

« Lorsque vint la plénitude des temps, Dieu envoya son Fils né d’une femme » (Galates 4, 4).

Cette femme qui demeure anonyme dans les épitres est nommée dans les évangiles qui la mettent en scène plusieurs fois. Ils commencent même par nous donner la généalogie de Jésus depuis Abraham (Matthieu 1, 1-17) et jusqu’à Adam (Luc 3, 23-37).

L’humanité fait donc la chaîne, si l’on peut dire, pour transmettre ce qui sera le corps du Verbe incarné et cette longue préparation aboutit au sein de Marie, «de laquelle naquit Jésus que l’on appelle Christ» (Matthieu 1, 16).

En réalité, aucun des contemporains de Jésus ne doutait qu’il fut le fils de Marie. Au contraire, ce fut là souvent un obstacle pour reconnaître en lui le Messie, le Sauveur : « N’est-ce pas lui, le fils du charpentier, le fils de Marie ? (Marc 6, 3).

Si Saint Jean nous présente l’incarnation en une formule insondable : « Le Verbe s’est fait chair » (1, 14), Saint Luc nous apporte une lumière précieuse pour nous faire comprendre qu’il s’agit d’une véritable maternité. Dans la scène de l’Annonciation, l’Ange dit à Marie : « Voici que tu concevras et que tu enfanteras un fils et tu lui donneras le nom de Jésus » (Luc 1, 31).

Réalisme de l’incarnation.

Il ne faut pas craindre de souligner la signification de cette naissance humaine.

Le Fils de Dieu a voulu devenir un homme comme tout homme, à partir d’une cellule originelle formée dans le sein de la femme. Il n’a pas refusé cet état de vie embryonnaire puisée à une autre vie ; il s’est soumis à l’humaine condition jusque dans son origine ; il en a assumé toutes les fragilités.

Marie l’a mis au monde à Bethléem, elle l’a enveloppé de langes, l’a nourri comme font toutes les femmes pour leur enfant.Jésus a d’abord été un enfant qui ne parle pas, il a grandi ; il a fait des « progrès en sagesse, en taille et en grâce » (Luc 2, 52). Tout ce qu’il a accompli durant sa vie terrestre, est fondé sur son être de chair né de la Vierge Marie.

L’affirmation du Credo de Nicée est fondamentale pour notre foi : « Je crois en Jésus-Christ, né de la Vierge Marie ».

Le réalisme de l’incarnation ne porte pas seulement sur le corps de Jésus. Aucune maternité ne s’arrête à la chair. La maternité ne consiste pas seulement en un lien corporel. Engendrer un être humain, n’est pas une fonction seulement organique. Il y a une dimension spirituelle. Le corps seul, à proprement parler, est fait de la femme, mais l’âme est créée en fonction de ce corps, de sorte que c’est dans son âme et dans son corps que l’enfant dépend originellement de sa mère. La maternité humaine dans sa nature profonde a donc aussi une influence sur le cœur et l’esprit de l’enfant.

Peut-on supposer que Jésus, Fils de Dieu, voulant naître d’une femme, n’ait pas donné à sa mère de quoi réaliser dans toute sa profondeur le mystère de la maternité humaine et que, de plus, Marie n’ait pas reçu de son fils des grâces exceptionnelles d’union à la divinité ?

III. VRAIE MÈRE DE DIEU – Jésus est Fils de Dieu.

Croire en Jésus-Christ, c’est croire qu’il est Fils de Dieu et pas seulement né de la Vierge Marie. La nature qu’il reçoit de sa Mère, c’est la nature humaine, mais avant d’être homme, il existe dans la nature divine. Il pourra dire un jour : « Avant qu’Abraham fût, je suis » (Jean 8, 58).

C’est en l’appelant Fils de Dieu, Fils Unique du Père, le Fils Bien-Aimé du Père, que les premiers chrétiens ont exprimé le mystère de sa personne et de son existence éternelle.

L’ange annonçait tout d’abord à Marie qu’elle serait la Mère du Messie : « Voici que tu enfanteras un fils et tu lui donneras le nom de Jésus. Il sera grand et on l’appellera Fils du Très-Haut. Le Seigneur lui donnera le trône de David son père ; il régnera sur la maison de Jacob et son règne n’aura pas de fin» (Luc 1, 31-32).

Tout dans ce texte indique le Messie attendu, un Messie transcendant qui vient instaurer un règne éternel. Rien n’y parle encore du caractère divin de cet enfant.

La Vierge pose alors une question à laquelle est donnée la réponse prodigieuse : « L’Esprit-Saint viendra en toi et la puissance du Très-Haut te couvrira de son ombre. C’est pourquoi l’Enfant sera saint et sera appelé Fils de Dieu » (Luc 1, 35).

L’ombre qui doit envelopper Marie nous renvoie à la nuée lumineuse dont parle l’Exode et qui était le signe de la présence de Yahvé. Ici, le texte évangélique fait comprendre assez clairement qu’il s’agit d’une venue dans la chair de celui qui est éternellement Fils de Dieu.

Nous sommes en face du mystère de l’incarnation. La maternité de Marie est « divine »

1. dans sa cause. En la Vierge qui avait renoncé à « connaître l’homme » (Luc 1, 35) pour appartenir à Dieu seul, Dieu supplée miraculeusement le rôle qui revient à l’homme dans les autres générations humaines. « Elle a conçu du Saint-Esprit » (Matthieu 1, 18. 20 ; Luc 1, 35).
2. en son terme : le Fils de Dieu en personne.

Saint Cyrille d’Alexandrie, le défenseur de la maternité divine de Marie au Concile d’Éphèse, a précisé le sens de l’expression : Mère de Dieu. Marie n’est pas mère de la divinité ; elle n’est pas mère d’un homme qui s’unirait à Dieu ; elle est, par génération humaine, mère d’un Fils qui est Dieu en personne.

Comme dans l’ordre naturel, la maternité se rapporte à la personne, mais ici c’est la personne divine du Verbe qui assume la nature humaine engendrée par Marie. Marie n’est pas mère de la seule chair de Jésus ; elle est mère de son Fils qui est Dieu et donc mère de Dieu.

Rôle conscient et actif

Le rôle de Marie dans l’incarnation n’est pas purement passif. L’évangile nous révèle la part consciente et volontaire de son âme dans cette œuvre.

Lorsque l’ange informe la jeune fiancée de ce que Dieu attend d’elle, émue et quelque peu troublée, elle demande : e Comment cela se fera-t-il ?» (Luc 1, 34). Sur la réponse rassurante rie l’Ange, en pleine conscience et soumission, elle prononce le mot décisif : « Oui », « Fiat ». Librement, volontairement, elle offre son être à l’action de l’Esprit-Saint.

Saint Augustin commentera : Elle a conçu d’abord par son âme, par sa foi, par sa charité avant de concevoir par sa chair.

Le Concile de Vatican Il reprend dans la Constitution « Lumen Gentium » : « Marie n’apporte pas seulement la coopération d’un instrument passif entre les mains de Dieu, mais la liberté de sa foi et de son obéissance » (n° 56).

IV. MATERNITÉ VIRGINALE

Un trait absolument unique caractérise la maternité divine de la Sainte Vierge : c’est une maternité virginale.

Il est de foi que Jésus est né d’une vierge, qu’il a été conçu de l’Esprit. L’évangile de saint Luc le dit clairement.

Sur le message de l’Ange, Marie pense aussitôt à son propos de virginité : « Comment cela se fera-t-il puisque je ne connais point d’homme ? » (Luc 1, 34).

Et l’ange lui répond qu’elle concevra non par une union à un homme, mais par une intervention de la puissance de Dieu. En effet, « rien n’est impossible à Dieu» (Luc 1, 37).
Saint Matthieu affirme avec plus de netteté encore que Marie a conçu Jésus et l’a mis au monde étant vierge.

Après avoir donné la généalogie de Notre-Seigneur, il explique : « Voici comment Jésus-Christ fut engendré. Marie, sa mère, était fiancée à Joseph… Elle se trouva enceinte par le fait de l’Esprit-Saint… Joseph résolut de la répudier sans bruit. L’Ange du Seigneur lui dit : « Joseph, ne crains pas de prendre chez toi Marie, ton épouse ; car ce qui a été engendré en elle vient de l’Esprit-Saint ». Et saint Matthieu conclut son récit en disant : « Tout ceci advint pour accomplir cet oracle prophétique : Voici qu’une vierge concevra et enfantera un fils auquel on donnera le nom d’Emmanuel» (Matthieu 1, 18-32).

Dans cet oracle prophétique, l’évangéliste voit l’annonce de la conception virginale.

Telle est la foi de l’Eglise ; bien plus, les conciles des 4e et 5 e siècles ont défendu la virginité perpétuelle de Marie.

Dans la maternité divine, l’amour virginal de Marie a trouvé la suprême perfection et la suprême fécondité.

V. APPLICATIONS

1) Nous ne saurions trop louer la Sainte Vierge d’avoir été choisie pour être Mère de Dieu et d’avoir si dignement réalisé le dessein de Dieu.

Au jour de la Visitation, Elisabeth, éclairée par l’Esprit-Saint, la saluait du titre de Mère de Dieu. A quoi la Vierge répondait : « Magnificat… Le Puissant fit pour moi des merveilles ; saint est son Nom ».

« Ce que fit Marie, en cette occasion, a écrit le Père de Montfort dans son ‘Traité de la vraie dévotion à la Sainte Vierge’, elle le fait tous les jours. Quand on loue Marie, quand on l’aime, quand on l’honore, quand on lui donne, Dieu est loué, aimé, honoré, on donne à Dieu par Marie et en Elle ».

Que cet aspect de la louange mariale nous encourage à être fidèles au chapelet et au rosaire.

2) Marie est le modèle par excellence de la femme consacrée. Dans le mystère de sa maternité divine, elle se présente aux religieuses comme modèle de virginité et maternité spirituelle.

Retenons le premier aspect.

A une époque où la virginité est exposée à être peu appréciée et trop facilement abandonnée, quel bienfait pour une religieuse de contempler et d’imiter Marie afin de mieux comprendre et de mieux vivre son vœu de virginité !

Un fait demeure toujours très frappant et très lumineux : pour l’incarnation du Verbe, Dieu a voulu une mère vierge.

Quel changement de perspectives ! L’Ancien Israël ne mettait pas en honneur la virginité. Seule était admirée sans réserve la maternité féconde ; la stérilité était généralement considérée comme un malheur, voire même comme une réprobation divine.

La virginité est une nouveauté spécifique du mystère chrétien. Le mariage, si noble, si positivement voulu par Dieu et si nécessaire à l’humanité, est élevé par le Christ à la dignité de sacrement ; mais la virginité devient première en valeur et en dignité. Notre-Seigneur l’a proposée discrètement : « Comprenne qui pourra » (Matthieu 19, 12).

Saint Paul l’a louée avec enthousiasme (1 Co 7) en la présentant sous son véritable aspect : un amour qui n’est pas divisé.

Elle est sans doute un renoncement aux joies légitimes du mariage (renoncement qui n’entraîne aucun mépris de l’amour humain) ; elle veut être essentiellement, dans l’imitation du Christ, un amour sans partage de Dieu et du prochain. Elle est moins un état à conserver, une vertu à défendre qu’un envahissement et un épanouissement de la charité.

L’exemple de Marie

La virginité n’est pas pour elle un titre de gloire dont elle se prévaut, un privilège qui la sépare des autres ; elle est la remise de tout son être entre les mains de Dieu dans un amour total. La Vierge est celle qui ne s’appartient pas ; corps et âme, elle est au service de la volonté de Dieu.

Son dialogue avec l’ange est révélateur des dispositions de son âme. Elle a, certes. le souci d’être fidèle à son propos de virginité. C’est son premier réflexe. La question qu’elle pose n’est pas une hésitation, encore moins une objection. Elle veut obéir, mais intelligemment (car seule l’obéissance intelligente fait honneur à Dieu). C’est pourquoi elle veut savoir comment peut se résoudre la contradiction apparente entre maternité et virginité.

Une fois éclairée sur ce point, elle s’établit dans l’humilité, fondement et compagne de la virginité : « Je suis la servante du Seigneur ». (Luc 1, 38).

Son dernier mot sera l’acceptation sans réserve de la volonté divine : « qu’il me soit fait selon ta parole » (Luc 1, 38).

Le sommet de l’amour virginal est l’obéissance : « Fiat ».

VI. POUR RÉSUMER ET CONCLURE LE THÈME DE MARIE, MÈRE DE DIEU

Écoutons Benoît XVI, lors de son Audience du 2 janvier 2008 :

« Mère de Dieu », Theotokos, est le titre attribué officiellement à Marie au Ve siècle, plus exactement lors du Concile d’Ephèse de 431, mais qui s’était déjà affirmé dans la dévotion du peuple chrétien à partir du III siècle, dans le contexte des discussions enflammées de cette période sur la personne du Christ. On soulignait, par ce titre, que le Christ est Dieu et qu’il est réellement né, comme un homme, de Marie: on préservait ainsi son unité de vrai Dieu et de vrai homme.

En vérité, même si le débat semblait porter sur Marie, celui-ci concernait essentiellement son Fils. Voulant sauvegarder la pleine humanité de Jésus, certains Pères suggéraient un terme plus atténué: au lieu du titre de Theotokos, ils proposaient celui de Christotokos, « Mère du Christ »; cela fut cependant vu à juste titre comme une menace contre la doctrine de la pleine unité de la divinité avec l’humanité du Christ. C’est pourquoi, après une longue discussion, lors du Concile d’Éphèse de 431, comme je l’ai dit, furent solennellement confirmées, d’une part, l’unité des deux natures, divine et humaine, en la personne du Fils de Dieu et, de l’autre, la légitimité de l’attribution à la Vierge du titre de Theotokos, Mère de Dieu.

Après ce Concile, on enregistra une véritable explosion de dévotion mariale et de nombreuses églises dédiées à la Mère de Dieu furent construites. Parmi celles-ci domine la Basilique Sainte-Marie-Majeure, ici à Rome. La doctrine concernant Marie, Mère de Dieu, trouva en outre une nouvelle confirmation dans le Concile de Chalcédoine (451), au cours duquel le Christ fut déclaré « vrai Dieu et vrai homme […] né pour nous et pour notre salut de Marie, Vierge et Mère de Dieu, dans son humanité ».

Comme on le sait, le Concile Vatican II a recueilli dans un chapitre de la Constitution dogmatique sur l’Église « Lumen gentium », le huitième, la doctrine sur Marie, réaffirmant sa maternité divine. Le chapitre s’intitule: « La Bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu, dans le mystère du Christ et de l’Église ».

Prenons pour nous-mêmes les paroles de Benoît XVI exprimées le 1 janvier de l’an dernier :

« Par l’intercession de Sainte Marie, Mère de Dieu, qui, par sa maternité virginale, a offert au genre humain les trésors du salut éternel, demandons au Seigneur de combler notre monde de sa paix et chacun de nous d’une foi joyeuse et active. A vous tous, bonne, heureuse et sainte année. »

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