EUCHARISTIE MÉDITÉE 18
Nouvelles Marthes, nouvelles Maries.
Marthe, Marthe, vous vous empressez trop, une seule chose est nécessaire. Lc 10, 42
18e ACTION DE GRÂCES.
Je vous adore, ô bien-aimé Jésus, vous qui n’avez pas dédaigné la pauvre demeure de mon âme, et qui la remplissez en ce moment de vos grâces et de votre miséricorde. Ah ! je n’envie plus le bonheur de vos amis de Béthanie ! si leur toit vous abritait, si leurs yeux vous voyaient, si leurs oreilles entendaient le son de votre voix; plus favorisé, c’est dans mon cœur que vous êtes entré, c’est lui qui veut vivre en vous.
Si mes yeux de chair ne vous voient pas, la foi prête à mon âme sa divine lumière, elle vous reconnaît à ses célestes clartés, et avec Marthe elle s’écrie dans le transport de sa joie. Vous êtes le Christ, le Fils du Dieu vivant.
Mes oreilles ne perçoivent pas le son de votre voix humaine, mais mon cœur entend celui de votre voix divine, vous lui dites à ce pauvre cœur, que vous venez à lui dans des vues de paix et de miséricorde, et il vous répond que vous êtes seul son espérance et son amour.
Oh! laissez-moi, adorable Sauveur, prendre à vos pieds la place de l’heureuse Marie ; laissez-moi comme elle choisir la meilleure part, et ne permettez pas qu’elle me soit ôtée. J’en suis indigne, c’est vrai, je ne la mérite pas, mais l’amour peut tout réparer, il peut tout effacer, et si j’ai beaucoup péché, je veux beaucoup aimer.
Je veux vous aimer, ô Jésus, non pour jouir des consolations de votre amour, mais pour m’unir à vous, pour m’y unir surtout par la conformité de ma volonté avec la vôtre, de mes désirs à vos désirs, de mes sentiments à vos sentiments.
Régnez en moi, ô mon souverain Maître, vivez-y, je vous abandonne mon âme et toutes ses puissances, mon cœur et toutes ses affections, mon corps et tous ses sens; disposez de moi, de mon être tout entier, ô divin Sauveur, comme bon vous semblera.
Vous êtes à moi, mais moi aussi je suis à vous, je vous appartiens tout entier, non seulement par le droit que vous avez sur toutes vos créatures, mais par le don volontaire que je vous fais de tout ce que je suis, de tout ce que j’ai, de tout ce que j’aime.
Je ne veux plus, je ne désire plus, ô bien-aimé Jésus, que ce que vous voulez pour moi. J’abandonne le passé, le présent, l’avenir à votre miséricorde et à votre amour. Je remets entre vos mains mes intérêts du temps, ceux de l’éternité. Vous avez mesuré la durée de ma vie, compté les jours que je dois encore vivre, vous seul en connaissez le nombre.
Mais soit que mon temps en ce monde se prolonge au-delà de mes prévisions, soit que vous ayez fixé le terme de ma course à un avenir prochain, je ne veux en cela comme en tout le reste que ce que vous voulez pour moi, et je vous consacre tous les jours, tous les instants qui me restent à vivre ; je les voue à votre seul amour, et je vous prie de les accepter comme autant d’actes de la charité la plus désintéressée.
Parlez à mon âme, ô adorable Sauveur, parlez, elle qui vous sert écoute ; dites-lui ce que vous désirez d’elle, ce qu’elle doit faire pour vous être agréable et pour accomplir votre volonté. Et puis, Seigneur, donnez-lui la docilité et la fidélité dont elle a besoin pour s’y conformer.
Affermissez ses bonnes résolutions, soutenez sa faiblesse, fixez son inconstance, et que la puissance de votre grâce la fasse triompher des résistances et des oppositions de la nature.
Je le sais, ô Jésus, vous n’entrez pas dans une âme, vous n’en prenez pas possession sans y faire entrer votre croix avec vous. C’est par elle que vous y établissez votre règne, et il ne peut y avoir d’union intime et réelle avec vous que par la croix.
L’âme qui aspire à cette union, qui la veut sincèrement, doit s’attendre à souffrir, et se préparer à tremper ses lèvres au calice amer de vos douleurs, à sentir les épines de votre couronne s’enfoncer souvent dans son cœur et lui faire de profondes et douloureuses blessures.
Vous le savez, ô Jésus, je n’ai pas comme vos saints assez de générosité et de courage pour désirer la croix, et pour vous la demander, il y aurait présomption de ma part à le faire ; mais si je n’ose vous la demander, ô Jésus, je ne la refuse pas, et pour cela comme pour tout le reste, je me soumets à tout ce que vous voudrez pour moi, persuadé que vous proportionnerez toujours votre grâce aux souffrances que vous m’enverrez.
Je ne veux qu’une chose, ô mon Sauveur, vous aimer et vous être uni. Si la croix donne l’amour, voilà mon cœur, ô Jésus, qu’il souffre, mais qu’il vous aime; que la croix s’enfonce jusque dans ses plus intimes profondeurs ; mais que votre amour y pénètre avec elle, qu’il l’embrase et le consume de ses saintes et brûlantes ardeurs.
Si vous voulez que je sois victime avec vous, ô Jésus, que je participe aux douleurs de votre sainte passion, ou plutôt que votre vie souffrante se continue et se prolonge en moi; voilà mon corps, Seigneur, comme mon cœur, je l’abandonne à votre volonté pour que vous imprimiez sur lui les sacrés stigmates de vos plaies et de votre douloureuse passion.
Je ne refuse aucune des souffrances physiques que vous me destinez, je les accepte d’avance, seulement, ô Jésus, soutenez ma faiblesse, soyez ma force, éloignez de mes lèvres et surtout de mon cœur la plainte et le murmure, et acceptez chacune de mes souffrances, chacune de mes angoisses comme des actes de soumission à votre adorable volonté et d’amour pour vous.
Et puis, ô mon bien-aimé Sauveur, s’il vous plaît encore de me faire participer aux angoisses de votre abandon, de votre délaissement sur la croix, si vous voulez que mon esprit soit rempli de ténèbres, mon âme d’aridités, d’ennuis et de dégoût, que je sois délaissé des créatures, que je ne trouve auprès d’elles que déceptions, indifférence et amertume.
Si vous permettez enfin que le ciel semble sourd à la voix de mes larmes et de mes prières, et que je sois en apparence délaissé de Dieu lui-même, quelque douloureuses que soient toutes ces choses, je les accepte et je les veux puisque vous les vouiez pour moi.
Seulement, ô Jésus, que votre main divine me soutienne dans une épreuve qui serait au-dessus de mes forces sans le secours de votre grâce; que ce secours soit insensible, inaperçu, qu’elle m’apporte ni consolation, ni adoucissement à mes peines, j’y consens encore.
Mais qu’il ne me manque pas, afin que je puisse sans faiblir, traverser avec vous ces abîmes du délaissement et de l’abandon, où je ne descendrai jamais aussi profondément que vous êtes descendu vous-même.
Faites enfin, ô Jésus, que chacune de mes douleurs, soit du cœur, soit du corps et de l’esprit, m’unisse plus intimement à vous ; que chacune d’elles augmente votre amour dans mon âme. Je ne veux qu’une chose, je le répète encore, vous aimer, vous suivre partout, ô bien-aimé Sauveur, être avec vous toujours, dussé-je y être sur la croix, être avec vous, être à vous, à la vie à la mort, dans le temps et dans l’éternité.
O Marie, Vierge toujours fidèle, vous qui avez réellement choisi la meilleure part, et qui avez aimé Jésus votre divin Fils plus qu’aucune créature ne l’aimera jamais, vous qui plus qu’aucune autre avez participé au calice de ses douleurs, obtenez-moi cet amour fort, généreux, désintéressé, qui fut toujours le caractère du vôtre.
Amour qui vous conduisit au Calvaire, sur les pas de l’adorable victime de notre salut, qui vous soutînt debout, au pied de l’autel sanglant de son sacrifice, et qui après la consommation de ce sacrifice vous donna le courage de vivre encore et de rester sur la terre aussi longtemps qu’il plut au Seigneur de vous y laisser. O Marie, glorieuse Reine des martyrs, soyez mon modèle, ma protectrice et ma mère. Ainsi soit-il.
Léonie Guillebaut