Les voies qui crient dans le désert
O mon Dieu, je n’aurai plus peur de Votre lumière, maintenant que j’ai vu cette lumière, et je n’aurai plus peur de moi-même, puisque je sais que Vous êtes en moi-même.
Je ne Vous connaissais pas, parce que je voulais Vous prouver et maintenant je vous connais, parce que je ne veux plus Vous prouver.
Et pendant que je ne Vous connaissais pas, Vous étiez en moi pourtant, et pendant cette grande déréliction où j’ai été de tous Vos Sacrements, pendant cette longue nuit, Vous prépariez pourtant l’avènement de cette lumière surnaturelle.
Je Vous connais, ô mon Dieu, parce que, simplement,, il Vous a plu de Vous faire connaître. Je Vous connais par ce qui est inconnaissable en Vous.
Je Vous connais par Vos mystères inconnaissables qui sont la Sainte Trinité, l’Incarnation, la Rédemption. Voilà les preuves que Vous avez daigné m’envoyer.
0 mon Dieu ! Pardonnez-moi ce grand mensonge où j’ai vécu, puisque je sentais bien en moi cette force intérieure qui me guidait dans la vie, et que je ne voulais pas Vous la reporter.
Pardonnez-moi cette ingratitude où j’ai été de ne pas Vous restituer ce qui vous appartenait en moi, et que cette voile que gonflait l’idéal n’ait point appareillé vers Vous.
Pardonnez-moi cette lâcheté d’avoir cru à l’amour, sans avoir cru à Votre Amour, à la loi, sans avoir cru à Votre Loi, à la bonté, sans avoir cru à Votre Bonté.
Pardonnez-moi cette félonie, d’avoir contemplé l’océan de la lumière et de ne m’y être pas aventuré, et d’avoir hésité au bord de l’éternité que Vous m’aviez donnée.
Pardonnez-moi ce grand orgueil d’avoir voulu Vous étudier, avant que de Vous aimer, et d’avoir voulu Vous connaître, — ce qui était, en quelque manière, cesser de Vous connaître.
E. PSICHARI – Les voies qui crient dans le désert