Malgré sa vie laborieuse, malgré la distance, la petite fermière va souvent prier dans l’église paroissiale, même en hiver. Elle a un songe, une nuit. A l’église du village, un prêtre âgé lui apparaît célébrant la messe. Elle y participe, fort impressionnée. Après quoi le prêtre inconnu lui fait signe d’approcher. Effrayée, Catherine se retire à reculons.
En sortant, elle se rend chez un malade. Là, elle retrouve le vieux prêtre qui lui dit : « Ma fille, c’est bien de soigner les malades. Vous me fuyez maintenant, mais un jour vous serez heureuse de venir à moi. Dieu a ses desseins sur vous, ne l’oubliez pas.» Elle s’éveille alors, ce n’est qu’un rêve dont elle ignore encore la signification.
Passés les vingt ans, Catherine, demandée en mariage, répond invariablement que Dieu l’appelle à son service. Pour l’en dissuader, son père l’envoie chez son fils Charles qui tient un restaurant ouvrier à Paris. Une année durant elle y travaille vraiment, mais ça lui pèse.
Elle sait à peine lire et encore moins écrire. Comme elle comprend que son manque d’instruction serait peut-être un obstacle pour être admise dans une congrégation, elle obtient de son père la permission d’aller passer quelque temps dans la pension de jeunes filles à Châtillon-sur- Seine dirigée par la femme de son frère Hubert. Dans ce milieu de jeunes filles élégantes, la jeune paysanne se sent gênée, voire moquée.
Cependant à Châtillon existait une maison de Filles de la Charité. Elle s’y rend un jour pour parler de sa vocation à la Supérieure et demander conseil. Entrée au parloir, Catherine est saisie de voir le portrait parfaitement ressemblant du prêtre qu’elle avait vu en songe. Elle demande son nom et, lorsqu’elle apprend que c’est saint Vincent de Paul, le mystère s’éclaircit et elle le prend comme un appel. Et au début de 1830, enfin avec l’accord de son père, elle entre comme postulante chez les sœurs de Châtillon.
Le 21 avril 1830, après cette première épreuve de trois mois, elle arrive au noviciat de la rue du Bac à Paris. Elle a vingt-quatre ans. Dès son arrivée au séminaire, Sœur Catherine a la joie de participer avec les autres «petites Sœurs», à une magnifique cérémonie. Reposant dans une châsse d’argent offerte par le diocèse de Paris, le corps de saint Vincent de Paul, caché pendant la Révolution, est transporté solennellement de Notre-Dame à la nouvelle chapelle des Lazaristes, rue de Sèvres, accompagné d’une foule immense.
Huit cents Filles de la Charité précèdent la châsse, deux cents la suivent avec des groupes d’enfants. Les Sœurs du Séminaire sont naturellement à l’honneur. Sœur Catherine, toute ravie, suit celui qui naguère l’avait appelée au service du Dieu de Charité. A la lettre, son rêve se réalise. Ce grand courant de prière s’intensifie encore au cours d’une neuvaine auprès de la châsse. Les novices s’y rendent. Revenue rue du Bac, Sœur Catherine voit alors le cœur du saint. «Il m’apparut trois fois différentes, trois jours de suite, a-t-elle écrit : blanc ce qui annonçait la paix, le calme, l’innocence et l’union ; et puis rouge de feu, ce qui doit allumer la charité dans les cœurs et puis je l’ai vu rouge noir, ce qui me mettait la tristesse dans le cœur, cette tristesse se portait sur le changement de gouvernement. »
Trois mois plus tard, le roi Charles X était renversé de son trône, et la France livrée aux horreurs d’une révolution. Sœur Catherine rend compte à son confesseur de ces apparitions ; celui-ci, le Père Aladel, jeune Lazariste très fervent pourtant, écoute froidement ses confidences. Il l’engage à les repousser.
La jeune Sœur n’insiste pas. Son grand souci, pour l’instant, est de travailler sérieusement à sa formation religieuse. Humble, effacée, elle apporte à sa Communauté une bonne volonté, la conviction profonde qu’elle ne sait pas grand-chose, mais aussi son désir ardent de servir les pauvres, membres souffrants de Jésus Christ. Elle aime la Vierge Marie et aspire à la voir. Dans le silence du séminaire, confiante, la jeune Sœur attend. C’est là qu’elle sera favorisée de merveilleuses apparitions.