Effacée au milieu de ses compagnes, silencieuse et recueillie, la jeune Sœur reçoit de la Vierge Marie des confidences, dans cette chapelle où la communauté est en prière. Entre les heures de formation à la vie religieuse, Sœur Catherine se livre de tout cœur aux modestes travaux de la maison, qu’il s’agisse de laver la vaisselle, d’éplucher les légumes ou de faire la lessive autour de grands baquets.
A la fin de son Séminaire, elle est envoyée à l’Hospice d’Enghien, situé au Faubourg Saint‑Antoine et fondé par la Duchesse de Bourbon, en souvenir de son fils, le duc d’Enghien, fusillé dans les fossés du donjon de Vincennes. Cet hospice d’anciens serviteurs est relié à la Maison de Charité de la rue de Reuilly par un grand jardin. L’espace de Reuilly existe toujours dans ce quartier populeux de la Gare de Lyon.
La jeune Sœur arrive dans cette maison le 5 février 1831. Elle va y passer simplement toute sa vie. Elle commence à la cuisine auprès de grandes marmites. C’est dans la fidélité à son devoir d’état qu’elle prouve à Dieu son amour. Dans la modeste chapelle, elle vient refaire ses forces spirituelles. Elle prie avec ferveur ; son oraison est simple et pratique. Un jour qu’on lui demande comment elle fait son oraison, elle répond :
« Oh ! Ce n’est pas difficile. Lorsque je vais à la chapelle, je me mets devant le Bon Dieu et je lui dis : « Seigneur, me voici, donnez‑moi ce que vous voulez ». S’il me donne quelque chose, je suis bien contente et je le remercie. S’il ne me donne rien, je le remercie encore, parce que je n’en mérite pas davantage. Et puis, je lui dis encore tout ce qui me vient à l’esprit ; je lui raconte mes peines et mes joies, et j’écoute. »
Ainsi reçoit-elle consolations, conseils, mots de tendresse, et en sort-elle fortifiée, éclairée, avec une joie intérieure pour toute la journée. Cette méthode d’oraison est accessible à tout chrétien. Quelquefois même ce peut être bref : dans les jardins de l’Hospice d’Enghien, Sœur Catherine, pour se rendre à son office, passe chaque jour devant une statue de la Vierge et s’arrête pour une courte prière.
C’est dans son intimité constante avec Dieu, que Sœur Catherine puise cette sérénité qui a tant frappé son entourage. Son égalité d’humeur n’est pas de l’insensibilité. Selon des témoins, une contrariété un peu vive, une observation, un froissement, la font rougir et provoquent ses larmes. Mais elle se tait, va à la chapelle, dépose prestement son tablier à la porte et regarde quelques instants le tabernacle et la statue de la Vierge. Lorsqu’elle ressort, elle reprend son travail dans le calme et la joie.
Sœur Catherine est aussi en charge du poulailler, ce qui lui rappelle sa jeunesse à la ferme de Fain‑les‑Moutiers. Elle peut ainsi donner des œufs à ses vieillards. Que ne ferait-elle pas pour qu’ils soient heureux et finissent paisiblement leurs jours ! Plusieurs d’entre eux sont cependant très difficiles. Patiente, elle les supporte et prend leur défense quand on les critique devant elle.
Déjà avancée en âge, elle subit la douloureuse époque de la Commune. Le Vendredi‑Saint 1871, une bande de communards pénètre dans la maison des Sœurs transformée en infirmerie, pour y réclamer deux gendarmes qu’ils veulent fusiller, menaçant d’arrêter la Supérieure et de frapper les Sœurs. Pendant ces journées d’angoisse, Sœur Catherine distribue des médailles aux fédérés installés à l’Hospice. «Nous ne croyons pas grand’chose, disent ces hommes, le fusil à la main, mais nous croyons à cette médaille ; elle en a protégé d’autres, elle nous protégera aussi!»
Cependant, Sœur Catherine vieillit. Elle souffre de rhumatismes et doit quitter le service des vieillards. Dès lors, assise dans la loge, à l’entrée de l’Hospice, elle raccommode leur linge, accueille les visiteurs, rend tous les petits services possibles et prie surtout. Le silence est bien gardé. Qui connaît le nom de la Sœur à qui la Vierge a confié la médaille ? Au dehors pourtant, celle-ci fait son chemin et accomplit des prodiges.